En pleine tentative de réhabilitation internationale, le dictateur Bachar el-Assad –principal bourreau du peuple syrien dans la guerre atroce qui a suivi la révolution avortée de 2011– s'est rendu à Abou Dhabi le 19 mars.
Fait notable, il était accompagné de sa discrète épouse, Asma el-Assad, laquelle effectuait son premier déplacement international officiel depuis le déclenchement de la guerre il y a douze ans.
Elégante kleptocrate
«En public, elle se présente comme la mère de la nation, rayonnant d'attentions maternelles lorsqu'elle s'occupe des familles des militaires syriens, des enfants atteints de cancer et des survivants du tremblement de terre du 6 février. Elle arbore de délicats rubans dans ses cheveux, sa petite silhouette drapée de robes cousues par les veuves d'hommes martyrs de la guerre de son mari», décrit le Financial Times.
Mais derrière cette façade, Asma el-Assad, née Akhras, 47 ans, contrôle depuis 2020 plusieurs secteurs stratégiques de l'économie syrienne, dévastée par plus d'une décennie de conflit armé et le séisme du 6 février dernier. Elle siège au «conseil économique», une entité secrète et centrale dans la conduite des affaires du pays, avec Bachar el-Assad, leurs plus proches amis et les hommes d'affaires qui leur sont loyaux.
La première dame est notamment très bien implantée dans les secteurs immobilier, bancaire et celui des télécommunications, dissimulée derrière une cascade de sociétés écrans, prête-noms, zones franches et comptes bancaires situés dans des paradis fiscaux. Il faut dire que l'essentiel de l'économie syrienne est désormais passée sous le contrôle de Bachar el-Assad, de son frère Maher et de son épouse Asma.
C'est de cette manière que le pouvoir syrien a jugulé les effets cumulés du coût de la guerre, de son endettement envers Moscou et Téhéran, des sanctions internationales et de l'effondrement économique du voisin libanais, qui avaient conduit, en décembre 2019, la livre syrienne à perdre 95% de sa valeur en dollars par rapport à la période pré-2011.
Razzia sur la schnouf
Les dirigeants syriens se sont appuyés sur des chefs de milices qui s'étaient enrichis durant la guerre grâce à toute sorte de malversations. Ceci a permis de générer de nouveaux revenus pour le régime, sous la houlette de Maher el-Assad.
En premier lieu, le trafic de drogue, plus précisément de la fénétylline (ou Biocapton), une manne qui représenterait plusieurs milliards de dollars annuels pour Damas. Mais aussi la contrebande de pétrole, d'armes, d'alcool, etc. Ce n'était toutefois pas suffisant.
Bachar, Maher et Asma el-Assad ont donc convoqué les principaux hommes d'affaires du pays à l'hôtel Sheraton de Damas en septembre 2019, pour les obliger à déposer des centaines de millions de dollars américains auprès de la Banque centrale de Syrie, afin de stabiliser la livre.
Jusqu'alors proche du régime, le magnat et cousin de Bachar el-Assad, Rami Makhlouf, a également vu ses actifs saisis par l'État –notamment la plus grande entreprise syrienne, Cham Holding, et le principal opérateur mobile, Syriatel– et transférés aux mains d'Asma el-Assad.
Charité business
Ce faisant, la première dame, pourtant sunnite, a aussi pris le contrôle du vaste réseau caritatif et de pouvoir alaouite –la minorité religieuse à laquelle appartient Bachar el-Assad, particulièrement influente à Damas– de Rami Makhlouf. Muhannad el-Dabbagh, un cousin d'Asma el-Assad, détient par exemple 30% du système smart card que les Syriens utilisent pour acheter des produits subventionnés.
Les chancelleries occidentales ont longtemps perçu la première dame comme une potentielle force réformatrice à Damas. Une image qu'elle a savamment cultivée –par exemple en créant l'organisation Syria Trust for Development, devenue un outil pour détourner l'aide humanitaire et celle vouée à la reconstruction au profit du régime. Il apparaît désormais clairement qu'il s'agissait d'un mirage.