Le syndrome Gilles de La Tourette (SGT) est souvent caricaturé sous les traits d'une pulsion irrépressible de dire des grossièretés. Si ce symptôme existe bien, il reste minoritaire. Les personnes atteintes de ce trouble neurologique peuvent subir toute sorte de tics moteurs et verbaux: raclement de gorge, mouvements faciaux, contractions musculaires, etc.
Quelle ne fut donc pas la surprise de Kirsten Müller-Vahl, une psychiatre spécialiste de la Tourette, lorsqu'en 2019, plusieurs membres de sa jeune patientèle se sont présentés à son laboratoire de Hanovre, en Allemagne, avec des tics complexes (impliquant plusieurs groupes musculaires) très semblables les uns des autres.
«Les symptômes étaient identiques. Pas similaires: identiques», explique la scientifique à Wired, qui a publié une enquête sur le sujet.
Plus étonnant encore, ces tics semblaient tous calqués sur ceux d'un YouTubeur allemand atteint du SGT, Jan Zimmermann. Sur sa chaîne YouTube, il fait de l'humour et raconte sa maladie pour ses plus de 2 millions d'abonnés. Parmi les cinquante patients de Kirsten Müller-Vahl, beaucoup affirmaient regarder les vidéos publiées par Zimmermann.
Il est impossible d'«attraper» le syndrome de la Tourette, et encore moins par YouTube interposé. D'après Müller-Vahl, ses patients n'étaient pas atteint de cette forme particulière de syndrome, mais d'un trouble du mouvement fonctionnel qui, contrairement au SGT, n'est pas neurologique, mais psychologique.
Anxiété et mimétisme
La théorie de la psychiatre est qu'étant déjà stressés ou anxieux, ses patients, pour la plupart dans l'adolescence, ont commencé à imiter inconsciemment les tics qu'ils voyaient sur les réseaux sociaux. Pour la plupart, savoir qu'ils ou elles n'étaient pas atteint de la Tourette a d'ailleurs suffi à faire disparaître ces symptômes.
Ce genre de phénomène n'est pas entièrement nouveau. Des cas de «maladie sociogène de masse», que l'on appelle plus couramment hystérie collective, ont déjà été observés. Seulement, elles se diffusent habituellement dans un groupe social donné. La propagation par les réseaux sociaux pourrait leur donner une envergure bien plus large.
Dans un article publié dans la revue scientifique Brain, Müller-Vahl a baptisé cette affliction d'un nouveau genre MSMI, ou «mass social-media induce illness» (maladie de masse causée par les réseaux sociaux).
D'autres scientifiques ont observé des tics vraisemblablement provoqués par l'exposition aux symptômes de la Tourette sur les réseaux sociaux. Le phénomène semble même s'aggraver du fait de la pandémie de Covid, qui a exacerbé les troubles de santé mentale chez les adolescents.