Après dix-sept ans d'existence, Tesla a annoncé ses premiers bénéfices en 2020, de 720 millions de dollars [600.6 millions d'euros]. L'entreprise a frôlé son objectif de 500.000 voitures livrées, avec précisément 499.550 véhicules.
Ce n'est toutefois pas ce chiffre record qui explique les bénéfices de l'entreprise, mais les quotas de CO2 que le constructeur revend aux autres constructeurs.
Aux États-Unis, une dizaine d'États imposent en effet un certain pourcentage de voitures zéro émission dans les ventes de chaque marque. Lorsque ces dernières ne parviennent pas à remplir leur objectif, elles peuvent acheter des crédits carbone à un autre constructeur qui, lui, remplit les critères.
Et comme Tesla produit uniquement des voitures électriques, elle dispose d'énormément de crédits carbone. Cette activité lucrative lui a ainsi rapporté 1,6 milliard de dollars en 2020, soit bien plus que les 720 millions de bénéfices.
En d'autres termes, sans la revente de crédits carbone, Tesla serait largement déficitaire, fait remarquer CNN. Au total, les crédits carbone ont rapporté 3,3 milliards de dollars à Tesla en cinq ans.
Mais la poule aux œufs d'or est aujourd'hui en danger. D'une part, les concurrents de Tesla ne restent pas inactifs et lancent de plus en plus de modèles électriques. Au fil des années, ils vont donc remplir eux-mêmes leurs objectifs et n'auront plus à acheter des quotas.
Deuxièmement, les États américains où le système de quotas est en vigueur pourraient y mettre fin pour contraindre un peu plus les constructeurs vers le zéro émission. En Europe, la concurrence est déjà rude: trois autres groupes automobile (Volkswagen, BMW et Daimler) ont vendu tellement de voitures électriques qu'elles dépassent Tesla en 2020.
Le service a de l'avenir
Les analystes continuent pourtant de croire dans la vista d'Elon Musk. L'action Tesla a gagné 743% en 2020, ce qui donne à l'entreprise une valeur équivalente à celle des douze plus gros constructeurs automobiles réunis.
Tesla peut non seulement compter sur une solide croissance (elle prévoit des ventes annuelles en hausse de 50% sur les prochaines années), mais aussi sur toute une panoplie de services annexes afin de mettre du beurre dans les épinards: logiciel d'autopilote, batteries domestiques, assurance, divertissement à bord, et le futur service de taxis autonomes, originellement attendus en 2020.
Les analystes de Morgan Stanley estiment ainsi que tous ces services représenteront 53% de la valeur de l'action de Tesla en 2030. «Prendre en compte uniquement les ventes d'automobiles ne reflète pas la création de valeur à long terme que va apporter la monétisation des services à l'avenir», assure ainsi l'analyste Adam Jonas.
La banque n'hésite pas à comparer Tesla à Apple, qui se dessine également comme une entreprise de services plutôt que comme un vendeur d'iPhone. Au premier trimestre 2021, la firme à la pomme a gagné 15,7 milliards de dollars grâce à iCloud, Apple TV ou Apple Music, soit 15% de ses revenus.
La récente annonce d'Apple de se lancer dans la voiture autonome témoigne du changement de paradigme sur le marché automobile. La valeur n'est plus dans la voiture, mais dans le service. Tesla l'a bien compris, même si Elon Musk continue de faire rêver avec ses voitures rutilantes remplies de gadgets.