Le trader Navinder Sarao sort libre du tribunal de Westminster, à Londres, le 23 mars 2016. | Justin Tallis / AFP

Le trader Navinder Sarao sort libre du tribunal de Westminster, à Londres, le 23 mars 2016. | Justin Tallis / AFP

Peut-on vraiment renverser Wall Street depuis sa chambre?

Désigné responsable d'un krach à 1.000 milliards de dollars, Navinder Sarao a échappé à la prison.

Le 6 mai 2010 restera toujours comme l'une des journées les plus étranges que les marchés financiers aient jamais connues. Ce jour-là, à 14h42, le Dow Jones s'effondre soudainement et perd près de 1.000 points en quelques minutes à peine, avant de remonter assez rapidement.

Pendant ce «Flash-Crash», ou krach éclair, le S&P 500 a sombré de 5% en quatre minutes, faisant disparaître environ un millier de milliards de dollars de la surface du globe. Beaucoup ont longtemps soupçonné les traders à haute fréquence (THF), qui achètent et vendent des titres en quelques millisecondes grâce à des logiciels automatiques.

Cinq ans plus tard, la justice américaine fait pourtant arrêter dans la banlieue de Londres un trader de 36 ans qui opérait depuis sa chambre, dans la maison de ses parents.

À l'époque, les Échos titrent: «Le krach éclair du 6 mai 2010 à Wall Street a enfin un visage». C'est celui de Navinder Singh Sarao, un autodidacte isolé, vivant chichement malgré ses revenus très élevés. Un livre rédigé par le journaliste Liam Vaughan, dont Bloomberg a publié un extrait, revient sur le parcours de l'homme et sur les événements de 2010.

Sarao fait ses gammes au début des années 2000 chez Futex, une petite entreprise de trading. Extrêmement doué en calcul mental et doté d'une capacité de concentration hors du commun, l'Anglais, diagnostiqué Asperger sur le tard, montre rapidement un certain talent en matière d'opérations boursières.

Surdoué ou mouton noir?

Il négocie des contrats à terme, des «e-mini S&P», en se servant d'une «ladder», un outil qui permet de voir quels sont les prix de vente, qui est dans la queue pour acheter à tel ou tel prix, et qui vend. De telle sorte que, pour schématiser, si le nombre d'offres est très supérieur au nombre de demandes pour un prix donné, il y a fort à parier que le prix va baisser.

Savoir lire et profiter de cet outil peut être grisant. Seulement, l'arrivée des THF sur les marchés a rendu cet exercice de plus en plus difficile. Aucun être humain, même le plus doué, n'est en mesure de sortir vainqueur s'il s'essaie à jouer contre leurs algorithmes.

Selon Vaughan, c'est ce qui aurait conduit Sarao à quitter Futex afin de s'installer à son propre compte. Et ce qui l'aurait poussé à utiliser la technique illégale de «spoofing». Celle-ci consiste à utiliser un logiciel capable de placer des ordres d'achats ou de vente puis de les annuler très rapidement afin de manipuler le marché à son avantage.

En 2015, Sarao est arrêté par les autorités américaines qui accusent les manipulations qu'il a utilisées d'avoir été l'un des éléments déclencheurs de la crise de 2010. Pendant sa carrière, Sarao aurait gagné plus de 40 millions de dollars grâce au spoofing.

Pourtant, l'histoire ne s'arrête pas là. En 2015, les sociétés de THF institutionnelles se défendent de toutes responsabilité et chargent Sarao en le présentant comme un mouton noir de la discipline. Une accusation qui leur permet de couvrir par la même occasion le problème plus large de l'extrême liquidité des marchés.

Il n'empêche que s'il reste indéniable que les manipulations du jeune trader ont influencé la crise, ni la justice ni l'Agence de régulation boursière des États-Unis (CFTC) n'ont jamais estimé que Sarao en était le responsable. Le jeune homme demeurera malgré tout le visage qui incarne cette crise à lui tout seul.

Un mois avant le début du confinement, Sarao a finalement échappé à la prison et a été condamné à un an d'assignation à résidence. Quant à sa fortune, elle a disparu au gré de diverses arnaques qu'il n'a su voir venir.

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