Une taxe carbone au niveau mondial, prônée par nombre d'économistes, n'est hélas pas pour demain. Selon une étude de la Banque mondiale, il existe soixante-et-un systèmes différents de taxe ou de marché carbone à travers le monde, dont le prix varie de moins d'un dollar la tonne en Ukraine ou en Pologne à 119 dollars en Suède. Bref, on est loin d'une harmonisation incitative.
Une avancée majeure pourrait pourtant provenir d'un pays d'à peine 58.000 habitants, planté en plein milieu du Pacifique: la République des Îles Marshall.
Au mois de mars, ce dernier a proposé à l'Organisation maritime internationale (OMI) une taxe sur les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime, raconte Quartz. Avec pour objectif une sortie complète des énergies fossiles d'ici à 2050.
Si elle était adoptée, cette taxe serait la première à couvrir un secteur au niveau mondial. Et pas des moindres: le transport maritime représente déjà 3% des émissions globales de CO2, et sa part pourrait atteindre 20% d'ici trente ans si rien n'est fait, prévient un rapport de l'Institution of Mechanical Engineers, un think tank londonien.
Petit mais costaud
Mais pourquoi un pays si minuscule aurait-il la moindre chance d'aboutir là où d'autres organisations autrement plus puissantes ont échoué? C'est que les Îles Marshall ont une grosse influence à l'OMI.
Le Registre des navires des Îles Marshall (RMI) est ainsi le troisième plus grand registre de navires au monde avec 3.700 bateaux sous pavillon, et compte vingt-huit bureaux dans les principaux centres maritimes et financiers tout autour du globe. «Il possède un prestige national qui s'étend bien au-delà ses frontières», atteste le site Ship Technology.
Selon la proposition présentée par les Îles Marshall auprès de l'OMI, la taxe s'élèverait à terme à 250 ou 300 dollars la tonne de CO2, un prix qui permettrait aux combustibles alternatifs (hydrogène, ammoniac, méthanol...) d'être compétitifs.
La moitié des fonds collectés serait utilisée pour aider les pays vulnérables, tandis qu'un tiers servirait à subventionner la recherche et le développement de technologies à faible émission de carbone.
Particulièrement menacées par la montée des eaux, étant donné que l'archipel risque d'être intégralement englouti d'ici à 2080, les Îles Marshall mènent depuis plusieurs années une bataille à l'OMI pour imposer des normes plus strictes au secteur maritime.
En 2015, le pays avait déjà tenté d'imposer une taxe au niveau global, mais s'était alors heurté à l'opposition de la Russie, de la Chine, de l'Inde et surtout du Panama, le premier registre de navires au monde. Néanmoins, cela avait contribué à faire avancer la cause dans les esprits.
En 2018, les membres de l'OMI s'étaient ainsi engagés à réduire de 50% leurs émissions de gaz à effet de serre avant 2050 par rapport à leur niveau de 2008. Et cette fois-ci, même les grands armateurs semblent au diapason: «Notre ambition est de décarboner la logistique mondiale», affirme ainsi le PDG de Maersk à la BBC –même si selon ses calculs, les coûts de transport facturés à ses clients devraient alors augmenter de 20%.