Pandémie, confinement, enfermement citadin, envie de grands espaces et d'air frais, possibilité de télétravailler: 2020 a été, pour l'immobilier, l'année de grands chamboulements.
Les villes ont moins la cote, campagnes et océans sont de plus en plus courus. Les marchés immobiliers s'adaptent en conséquence de ces nouvelles formes de semi-nomadisme. Parfois au grand dam de locaux devant faire avec un nouveau renchérissement des biens à la vente, déjà mis sous pression par la vague Airbnb, parfois avec l'effet parfaitement inverse, comme à San Francisco, où l'exode de la Silicon Valley a provoqué une chute des loyers.
Mais cette année de pandémie n'a peut-être fait qu'allumer la mèche au long cours d'une bombe immobilière qu'un événement particulier, certes encore lointain, pourrait faire pleinement exploser: l'avènement des véhicules autonomes.
Hormis bien sûr les moyens financiers qu'elle suppose, l'un des freins majeurs à l'acquisition d'une résidence secondaire, qu'elle soit une cabane dans les bois ou une villégiature de bord de mer, reste le temps de trajet pour s'y rendre.
Par atavisme culturel ou complexités pratiques, ces voyages sont souvent automobiles. Une, deux, trois, quatre heures sur la route, la même chose au retour: difficile d'envisager la résidence secondaire autrement que comme un lieu de vacances ou de retraites ponctuelles, et il est à espérer que les confinements et périodes de télétravail forcé de cette annus horribilis resteront une exception historique.
Sans domicile fixe
Mais les véhicules autonomes, lorsqu'ils le seront pleinement, n'auront sans doute rien à voir avec les automobiles contemporaines, construites autour de la conduite et du transport des personnes, rarement autour de leurs besoins et désirs réels.
Ces véhicules serviront certes au transport, c'est leur fonction première, mais également comme des tiers lieux. Ils deviendront des espaces de vie, où les occupants peuvent passer leur temps à ne pas le perdre à conduire –travail, loisir, sommeil, école, tout est imaginable dans ces habitacles qu'il reste à concevoir.
Pour celles et ceux qui auront la chance et les moyens de se doter de deux logis, «principale» ou «secondaire» deviendront peut-être des mots obsolètes: leur résidence sera fluide, elle sera la maison, l'appartement, la roulotte où ces personnes se trouvent, au gré de leurs envies du moment.
Conséquence logique, lorsque ce verrou des trajets sautera: acquérir une seconde résidence, même modeste, même éloignée de la première, sera plus naturellement envisageable pour de nombreux foyers. De la même manière, les locations de longues ou courtes durées que préfigurent des systèmes comme Airbnb pourraient se multiplier –ce qui suppose également l'acquisition d'un bien pour le placer sur ce marché.
Influencés par cette grande transhumance autonome, certains marchés locaux de l'immobilier flamberont quand d'autres, au contraire, s'effondreront. Sans oublier les effets du changement climatique, qui bénéficieront à certaines régions mais seront la malédiction des autres, c'est sans doute dès aujourd'hui qu'il faut songer à judicieusement placer ses mises.