La voiture électrique fait figure d'eldorado aux yeux de nombreux analystes. Le Boston Consulting Group leur prévoit ainsi une part de marché de 52% d'ici 2030, dépassant celle des voitures thermiques.
Le patron de Volkswagen vient quant à lui d'annoncer que 70% de ses ventes seront électriques à cette échéance en Europe. Les investisseurs y croient eux aussi dur comme fer: en un an, la valeur des huit principaux constructeurs mondiaux de voitures électriques a été multipliée par deux, note le gestionnaire d'actifs Research Affiliates. Bref, tout concorde pour un avenir radieux de cette technologie.
Mais pour Rob Arnott, le fondateur de Research Affiliates, cette ferveur n'est rien d'autre que le signe d'une «illusion de grande ampleur» qui a piégé les investisseurs tout au long de l'histoire. «Tout comme PalmPilot, autrefois très apprécié des investisseurs, s'est fait dépasser dans la révolution des smartphones, tous les constructeurs ne réussiront pas à l'ère des véhicules électriques», pronostique-t-il dans Bloomberg.
Tesla est ainsi cotée vingt-huit fois son chiffre d'affaires, comparé à un ratio de 1,1 fois en moyenne pour les constructeurs traditionnels, alors même que la marque ne détient que 15% du chiffre d'affaires de l'électrique.
«Quand bien même Tesla arriverait à remplir les espoirs des investisseurs, cela signifierait que ses rivaux auront perdu des parts de marché, ce qui rendra les gains de l'industrie encore plus difficiles à justifier», fait remarquer Rob Arnott.
Or, ces derniers affichent des ratios de PSR (capitalisation/chiffre d'affaires) encore plus délirants que Tesla. Nikola, fondé en 2015 et qui n'a pas encore lancé une seule voiture, affiche un PSR ridiculement haut de 22.000, tandis que les chinois Xpeng et Li Auto sont respectivement côtés 47 et 52 fois leurs ventes.
Darwinisme automobile
«Toutes ces entreprises sont valorisées comme si elles allaient sortir grande gagnante de la compétition. Mais chacune ne pourra pas devenir dominante: ce sont des concurrents!», s'énerve l'analyste.
L'analyste établit une comparaison entre la voiture électrique et le transport aérien, tous deux soumis à une environnement hautement compétitif et à une forte intensité en capital.
Lorsque les compagnies low cost ont déferlé dans le ciel, certains s'en sont effectivement bien sortis, comme Ryanair ou EasyJet. Mais qui se souvient encore de Flybe, Aigle Azur, WinJet, Air Berlin ou Monarch Airlines?
Après avoir été dépassées dans les années 2000 à 2010, les compagnies traditionnelles ont réagi et se sont flanquées de leurs propres filiales à bas coût, coupant le pied aux concurrents n'ayant pas les reins assez solides.
«Dans un tel environnement, le bouleversement du marché ne profite pas nécessairement aux disrupteurs, et les disrupteurs sont souvent eux-mêmes disruptés», conclut Rob Arnott.
Amazon, Apple ou Google ne sont que les arbres qui cachent la forêt de sociétés autrefois adulées et aujourd'hui tombées aux oubliettes. Parier sur la voiture électrique, c'est bien. Encore faut-il miser sur le bon cheval.