Décidément, Airbnb n'arrive pas à se décider. La start-up qui a révolutionné le monde du tourisme se trouve dans une situation délicate. Doit-elle permettre aux résident·es des colonies de Cisjordanie occupées illégalement par Israël de louer leurs logements sur Airbnb?
Après des pressions de la part de plusieurs ONG, Airbnb avait finalement annoncé en novembre 2018 déréférencer les logements situés dans la région (200 à peu près). Cette décision avait entraîné la colère d'Israël, qui a immédiatement menacé la start-up de sanctions et d'attaques en justice.
L'entreprise est récemment revenue sur sa décision. Elle a annoncé avoir mis un terme à tous les procès qui contestaient son choix. Selon les accords conclus, l'entreprise va finalement permettre aux colons de Cisjordanie de laisser leurs logements en location sur leur site.
Toutefois, pour éviter un regain de pressions de la partie adverse, Airbnb tente de couper la poire en deux, en renonçant à faire du profit sur ces locations. Tout l'argent généré par ces logements sera reversé à des ONG humanitaires «qui aident des gens dans différentes parties du monde».
Woke ou pas woke
Le cas Airbnb est intéressant car il montre le dilemme posé aux entreprises visant un public jeune et progressiste, tiraillées entre leur inclinaison capitaliste naturelle –suivre le marché– et l'exigence de cette clientèle, qui réclame un peu plus qu'un ronflant apolitisme.
Pour certaines, le choix est plus facile. Lorsque Nike met en avant Colin Kaepernick, un sportif engagé contre les crimes policiers envers les minorités, c'est un engagement politique qui fait sens si on le regarde du point de vue du pur business. Ça ne mange pas de pain et pour la firme, mieux vaut viser les adolescent·es noirs que des Républicain·es de 50 ans.
Pas de chance pour Airbnb: prendre parti pour un camp ou l'autre dans le conflit israélo-palestinien est bien plus périlleux. À qui montrer patte blanche, lorsqu'un débat est si tranché? Alors que l'échiquier politique est de plus en plus polarisé, il est à parier que ces situations vont aller croissant. Au point que faire de la politique semble devenu impossible dans certains cas, du fait de la difficulté à créer un consensus.
Car il est difficile de penser que ce communiqué mettra toutes les parties d'accord. Surtout qu'Airbnb insiste: elle s'est «toujours opposée au mouvement BDS [boycott, désinvestissement, sanctions, ndlr] et n'a jamais boycotté Israël ou les entreprises israéliennes». L'ONG Human Rights Watch, qui avait milité pour le déréférencement, a déjà jugé la décision «décevante», et ne changeant rien à la «souffrance humaine», dont Airbnb «se rend complice».