Depuis février 2022, les dirigeants et citoyens ukrainiens ont utilisé, dans leur communication, un parallèle entre l'invasion russe et la trilogie du Seigneur des anneaux, écrite par J.R.R. Tolkien puis adaptée au cinéma par Peter Jackson. Notamment en qualifiant les soldats russes d'«orcs», du nom de ces affreuses créatures humanoïdes qui envahissent la Terre du milieu pour le compte du non moins affreux Sauron, seigneur des ténèbres régnant sur le Mordor.
Ministry of Defence of Ukraine Oscars 2022
— Defense of Ukraine (@DefenceU) March 28, 2022
Best Actress: Javelin for the powerful performance in Burning Orcs#Oscars2022 #UAarmy pic.twitter.com/IKegeZ4imB
L'assimilation de l'ennemi à des hordes hostiles en temps de guerre n'a rien de nouveau: ainsi Rudyard Kipling qualifia-t-il les soldats allemands de la Première Guerre mondiale de «Huns» dans le poème «For All We Have and Are». Il est logique pour un pays en guerre de se présenter comme l'incarnation de la civilisation face à la barbarie, du bien face au mal. Toutefois, l'Ukraine innove en dressant un parallèle entre sa situation et une œuvre de fiction.
Triple avantage
Selon le chercheur Ian Li, dans une analyse publiée par le think tank britannique RUSI, cette stratégie possède un triple avantage. Premièrement, il est plus accessible au commun des mortels que les références historiques, d'autant que Le Seigneur des anneaux a touché un très large public –surtout depuis son adaptation au cinéma, avec plus de 3 milliards de dollars (2,8 milliards d'euros) au box-office. Présenter cette guerre comme un combat du bien contre le mal aide à mobiliser mondialement en faveur de l'Ukraine.
Ensuite, la référence à un tel récit fantastique a vocation à inspirer l'héroïsme ainsi que le dépassement des limites et des peurs, face à des événements terrifiants. «On peut imaginer les défenseurs ukrainiens comme les Cavaliers du Rohan chargeant imprudemment à travers les Champs du Pelennor, le dernier cri de ralliement de leur roi et les chants de la mort résonnant dans leurs oreilles», écrit Ian Li.
Enfin, en raison du dénouement heureux du Seigneur des anneaux, ce narratif basé sur la fiction permet de générer de l'espoir, alors que la situation peut apparaître comme désespérée. Surtout dans un combat asymétrique face à un ennemi disposant de la supériorité numérique.