Début 2020, l'Union européenne a offert de grands espoirs aux militant·es anti-reconnaissance faciale. Elle a un instant fait miroiter l'interdiction de son utilisation dans l'espace public pendant trois à cinq ans, le temps d'étudier plus avant les impacts de technologies que l'on sait être pour le moins imparfaites.
Ces espoirs ont été rapidement douchés: l'UE a finalement abandonné le projet. Les activistes opposé·es à la reconnaissance faciale n'ont pas déposé les armes pour autant et continuent à croire à une possible législation au niveau européen.
L'organisation Ban Facial Recognition Europe, dirigée par l'artiste et hacktiviste italien Paolo Cirio a lancé une pétition qui a pour l'instant recueilli près de 14.900 signatures. L'utilisation de cette technologie par les forces de l'ordre y est particulièrement critiquée.
Pour mettre sa démarche en lumière, l'artiste a décidé de mener une campagne choc, intitulée «Capture». Pour celle-ci, Cirio a constitué un fichier de 4.000 visages de policiers photographiés lors de manifestations, dans le but de collecter leurs identités –une manière de dénoncer les abus potentiels de la technologie ou des instances qui la manipulent.
Clientèle enthousiaste
Cette base de données a été obtenue grâce à un logiciel de reconnaissance faciale qui a parcouru un millier de photos librement accessibles et en a extrait les visages. D'après son auteur, le projet vise à «résoudre la perplexité concernant les notions de transparence, d'intimité et d'autonomie des citoyens et des agents».
En effet, les services de police ont toujours constitué une clientèle enthousiaste pour les technologies de reconnaissance faciale. La base de données géante Clearview a été adoptée par des centaines de commissariats à travers les États-Unis. Une étude a montré que la police de New York n'hésitait pas à manipuler les données pour parvenir à de meilleurs résultats.
Toutes les photographies utilisées par «Capture» proviennent du site capture-police.com, où les internautes sont invités à identifier les personnes qu'ils reconnaissent en ajoutant leur nom sous leur photo. La date et le lieu de chaque photo sont indiqués.
Des photos choisies ont été placardées dans Paris. Une fresque de dizaines de clichés sera aussi exposée au Studio national des arts contemporains Le Fresnoy, à Tourcoing, dans le cadre de son exposition «Panorama 22».
Cette initiative déplaira à l'évidence fortement aux syndicats de police, qui s'opposent à ce que les citoyen·nes puissent filmer les agent·es en service et diffuser leur image. Une proposition de loi a même été déposée dans ce sens en mai 2020.
Paolo Cirio : Insupportable mise au pilori de femmes et d’hommes qui risquent leur vie pour nous protéger. Je demande la déprogrammation de « l’exposition » et le retrait des photos de son site, sous peine de saisir les juridictions compétentes.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) October 1, 2020
Quant au Ministre de l'intérieur Gérald Darmanin, il a lui aussi été prompt à réagir, dans une parfaite mise en pratique de l'effet Streisand, qui offre une audience à ce que l'on cherche à dénoncer.