Bob Dykes a 69 ans et possède une entreprise de gaz et de pétrole dans le Wyoming. Il n'appartient à aucun parti politique, et le réchauffement climatique est le cadet de ses soucis.
Pour sa dernière acquisition, il s'est pourtant offert une berline 100% électrique, en l'occurence une Tesla. Il s'est aussi laissé séduire par le nouveau Hummer électrique de General Motors, un monstre de 1.000 chevaux à plus de 112.000 dollars.
Avec leurs pick-ups et 4x4 de luxe, les constructeurs de voitures électriques ont converti une nouvelle clientèle jusqu'ici peu sensible aux arguments écolo, les «écologistes par accident», comme les surnomme Matthew Kahn, professeur d'économie à l'université de Californie du Sud, interrogé par le Wall Street Journal.
Sa collègue Magali Delmas, autrice du livre The Green Bundle, les appelle aussi «les écologistes par commodité»: ces consommateurs qui choisissent des produits verts seulement si cela ne se traduit pas par des sacrifices.
Il faut avouer que jusqu'ici, les produits écolo n'avaient pas franchement de quoi allécher au-delà des fervents adeptes. Des voitures électriques ressemblant à des versions low cost de leur homologues diesel, des aliments bio vendus à prix d'or et des t-shirts en coton recyclé qui ne résistent pas à plus de dix lavages, ça ne fait pas vraiment rêver.
Biais de dilution
L'autre problème auquel étaient confrontés les fabricants est celui du «biais de dilution»: les individus ont tendance à croire instinctivement qu'un produit remplissant une seule fonction, par exemple un produit bon pour l'environnement, est automatiquement moins performant sur ses autres fonctions. Un détergent «vert» sera ainsi perçu comme moins efficace, même si ce n'est pas la réalité.
Mais grâce aux nouvelles technologies et à l'incursion du luxe dans le discours écolo, cette image semble aujourd'hui dépassée. Acheter des baskets Adidas recyclées ou un sac à main en cuir vegan est désormais furieusement tendance, y compris chez les climatosceptiques.
Les «vrais» écologistes, eux, s'insurgent contre ce qu'ils considèrent comme une nouvelle forme de greenwashing. On peut en effet s'interroger sur le bénéfice écologique d'un Hummer électrique de 3,5 tonnes accueillant pas moins de 3 moteurs (d'autant plus si ce monstre fonctionne avec de l'électricité issue du gaz ou du charbon). Et que dire de l'empreinte environnementale de sa construction?
Mais, pour Matthew Kahn, le choix d'un produit écologique amène à d'autres achats de produits verts. Après avoir acheté sa Tesla, Rodney Swan, un ex-directeur financier dans un compagnie d'assurances, est ainsi devenu un adepte des énergies renouvelables et a fait installer des panneaux solaires sur le toit de sa maison.
Reste que cette niche de nouveaux écolos ne sera pas à même de convertir la grande masse des réfractaires à la vague verte, qui se trouvent en majorité dans les classes populaires, et pour qui le prix reste le seul et unique critère de choix.