korii: Comment l'idée de la Loop Aix-Marseille a-t-elle émergé, et à quels besoins répond-elle?
Guillaume Nicoulaud: Mathieu Morateur (le cofondateur) et moi sommes des enfants de la métropole: il est aixois, moi marseillais. On voit donc clairement les problématiques de transport: le trajet Aix-Marseille dure quarante-cinq minutes en TER. Par contre, on a l'une des meilleures lignes de car d'Europe, la 50, mais quand il y a des bouchons, les cars restent coincés.
La population mondiale urbaine va augmenter de 50%, les villes vont s'étendre de plus en plus. De surcroît, l'étalement urbain est plus rapide dans les périphéries car les centres-villes sont soit trop chers, soit invivables. Par ailleurs, le modèle centre-périphérie est de moins en moins vrai, il y a de plus en plus de trajets de banlieue à banlieue.
Ce qui rend ça possible, c'est principalement la voiture: en France, entre 76 et 86% de ces trajets se font de cette façon. Cela engendre des embouteillages, même si les moteurs sont électriques ou à hydrogène.
Comment fonctionnerait cette nouvelle offre de transport?
Notre idée, c'est de créer 180 kilomètres de voies en sous-sol et en site propre intégral, où circulent en permanence des pods, des véhicules autonomes (électriques ou à hydrogène) sur une quinzaine de stations. On vise entre 120 et 130 km/h en vitesse de pointe, un débit suffisant pour vider les autoroutes et le trajet Aix-Marseille en 15 minutes. La fréquence irait de 20 secondes à 10 minutes aux heures les plus creuses.
D'abord, c'est un système en «dérivation»: quand un pod arrive en station, il sort de la voie pour permettre à d'autre véhicules de continuer à circuler. Ensuite, c'est un réseau maillé (par opposition à un réseau radial comme le RER): c'est une grille, c'est comme les rues d'une ville, où les pods peuvent adapter leurs itinéraires en fonction de la demande.
Le plus logique, c'est que les usagers indiquent où ils veulent se rendre via une application pour smartphone, mais il faudra aussi des bornes pour les usagers qui arrivent de Paris, par exemple (ou ceux qui n'ont plus de batterie).
Quels sont les principaux défis d'un tel projet?
Le coût estimé pour Aix-Marseille est de 6 milliards d'euros, financés par un groupement ad hoc. Nous sommes partis sur l'idée de faire tout en souterrain, puisque la métropole est très vaste avec beaucoup d'espaces naturels protégés. Nous avons de nombreux partenaires, l'objectif étant de créer un système économiquement viable afin qu'il puisse être financé sur fonds privés.
Si tout va bien, on espère pouvoir inaugurer la Loop Aix-Marseille dès 2030. Personnellement, j'aimerais beaucoup que ce soit le 15 septembre 2030, 200 ans après l'inauguration de la première ligne régulière de chemin de fer (Liverpool-Manchester). Nous n'avons pas particulièrement de défis technologiques à relever (ce n'est pas un hyperloop) mis à part le concept et le système d'exploitation.
Par ailleurs, il est indispensable que la Loop soit intégrée au réseau existant: les passagers feront Aix-Marseille en Loop mais ils termineront leur trajet en métro ou en bus. Le défi consiste à convaincre les autorités politiques que c'est la seule façon de donner corps à la métropole, en désenclavant ses différents pôles urbains.