À Florence, la basilique de San Lorenzo accueille les tombeaux des Médicis, où reposent les corps du duc d'Urbin, de Laurent II de Médicis et du duc de Nemours, Julien de Médicis.
Sculptés par le célèbre artiste Michel-Ange, ils sont abîmés depuis des centaines d'années par des taches et des décolorations, dues aux moulures de plâtre utilisées pour les reproductions et à la décomposition des corps.
Malgré les restaurations et les efforts des conservateurs, certaines taches incrustées se sont avérées impossibles à enlever et les tombeaux ont vu l'éclat de leur marbre blanc irrémédiablement terni.
Les restaurateurs se sont alors tournés vers une solution plus inattendue: une bactérie nommée Serratia ficaria SH7, mangeuse de graisse et de phosphates.
Cette bactérie a été soigneusement sélectionnée parmi 1.000 souches, pour son efficacité contre la décomposition et son innocuité pour les sculptures ou pour l'environnement. Certains microbes, qui contenaient des spores susceptibles de représenter un danger pour la santé, ont par exemple été écartés.
En octobre 2020, les conservateurs ont enduit les statues d'un gel à base de SH7 qui ont «dévoré le marbre toute la nuit», rapporte au New York Times Marina Vincenti, une des membres de l'équipe.
Enzymes gloutons
Confier la rénovation d'œuvres de grande valeur à des microbes peut sembler contre-intuitif: bon nombre de micro-organismes sont nuisibles aux statues et autres peintures.
La cathédrale Velha de Coimbra, au Portugal, classée au patrimoine de l'Unesco, est ainsi rongée par un mystérieux champignon noir qui colonise les murs de l'édifice. Les micro-organismes sont aussi connus pour favoriser le brunissement des vitraux médiévaux, et les peintures sont fréquemment dégradées par des bactéries ou des champignons filamenteux s'attaquant aux pigments, faisant disparaître les couleurs petit à petit.
Mais il s'avère que d'autres bactéries ont à l'inverse une action bénéfique en contrant ces micro-organismes. En 2018, la microbiologiste Elisabetta Caselli a ainsi écrit une étude détaillant comment elle avait pu contrecarrer la croissance de micro-organismes sur la toile Le Couronnement de la Vierge (1620), grâce à un biocomposé contenant des spores de Bacillus subtilis, Bacillus pumilus et Bacillus megaterium.
En 2018, des restaurateurs d'art de l'Institut de l'Université polytechnique de Valence ont nettoyé des fresques salies par le temps avec un gel à base de bactéries du genre Pseudomonas, connues pour leur capacité à dépolluer les sites contaminés par des hydrocarbures.
Ils en ont badigeonné les peintures et l'ont laissé agir pendant une heure et demie, avant de les nettoyer et de les sécher. Résultat: 400 ans de crasse éliminée sans aucun effort.
Cette technique présente de nombreux avantages par rapport au travail de restauration humain, qui peut conduire à des mini-catastrophes, comme cette histoire malheureuse de statue défigurée sur un bâtiment de la ville espagnole de Palencia.