Le 13 mars 2019, deux anciens élèves du lycée Estadual Professor Raul Brasil de Suzano ont tué cinq élèves, deux membres du personnel ainsi que l'oncle de l'un des perpétrateurs.
La tuerie de masse de Columbine en 1999 aux États-Unis les avait inspirés et conduits dans un recoin du dark web, un canal via lequel les tueurs se sont procuré des armes. Après le massacre, Guilherme Taucci Monteiro, 17 ans, a tiré sur son complice, Luiz Henrique de Castro, 25 ans, avant de se suicider.
Cette sombre tragédie, tout le Brésil la connaît et la condamne. Mais sur les réseaux sociaux (Instagram, TikTok, Facebook et surtout Twitter) ainsi que dans un écosystème de groupes privés WhatsApp, une communauté grandissante de fans, passionnée de true crime, glorifie les tireurs.
Les membres de cette communauté partagent une fascination pour les crimes très médiatisés, comme les fusillades dans les écoles ou les meurtriers en série. Les discussions s'articulent autour de sujets comme la sexualité des tueurs de Columbine ou les éventuels troubles psychiatriques de Luiz Henrique de Castro. On y partage des vidéos, des détails médico-légaux des crimes ou des investigations menées de manière amatrice.
Cette mode, née en anglais sur YouTube en 2008, s'est ensuite notamment développée sur Tumblr. Les participant·es s'y sont alors fait connaître comme les «stans de Columbine» ou les «Columbiners». Mais après Suzano, une variante brésilienne a commencé à se propager sur l'internet local.
Sur le site de fanfiction Wattpad, une fille décrit comment elle est tombée amoureuse de Taucci après que son esprit lui est apparu. Sur YouTube, une vidéo de vingt-quatre secondes publiée en mars 2020 commémore l'anniversaire du massacre de Suzano avec un montage d'images rythmées au son d'une musique mélancolique. Sur Facebook, une jeune fille brésilienne écrit dans un groupe dédié à Taucci et Klebold: «Il sera mon éternel cher psychopathe.»
Tester ses limites
Pour les sociologues, ce comportement est une tentative de prendre le contrôle de sa propre vie, mais aussi de tester ses limites. Les jeunes gens de ces cercles vont souvent admirer ce qu'ils considèrent comme de la force de caractère chez des tueurs tels que Taucci.
«C'est très important, car beaucoup de membres de ces groupes ont été victimisés, analyse la sociologue franco-américaine Nathalie Paton. Avoir un passé entaché par la violence est l'une des principales portes d'entrée dans ce genre de communauté.» Les expert·es affirment que la plupart des membres sont donc plutôt là pour satisfaire une curiosité un peu malsaine ou trouver du soutien.
Mais la communauté true crime est aussi parfois le lieu de comportements très extrêmes qui, dans le pire des cas, peuvent aboutir à des tentatives d'organiser soi-même un crime. Des mineurs ont par exemple été arrêtés par la police en mars 2020 car ils étaient suspectés de vouloir attaquer une école dans la ville d'Avaré.