Les États-Unis ont une histoire syndicale à la fois forte et trouble, à laquelle les géants de la tech, qui emploient des centaines de milliers de personnes, semblent bien décidés à échapper.
Et ce à tout prix: de Google à Instacart, les exemples de firmes ayant tenté le tout pour le tout pour freiner les vélléités d'organisation de leurs troupes, jusqu'à licencier quiconque menaçant de se syndiquer, les exemples ne manquent pas.
L'un des plus récents, des plus surprenants également, vient d'Amazon. Le «everything store», dans lequel les syndicats américains ont historiquement eu du mal à s'immiscer, est entré dans un bras de fer sans pitié avec ses salariés en Alabama, qui souhaitent organiser leurs revendications sous la bannière de la Retail, Wholesale and Department Store Union.
La lutte est d'importance: comme le rapporte The Verge, les employés de l'entrepôt de Bessemer pourraient être les premiers, aux États-Unis, à réussir à se syndiquer. Ils ouvriraient ainsi peut-être la voie à d'autres entrepôts ou structures d'Amazon –une entreprise contre laquelle sa force de travail peut porter de sérieux griefs.
De l'importance sociale des feux rouges
Début février, le média engagé More Perfect Union racontait la manière dont la firme tentait de discréditer et d'étouffer le mouvement. Il était ainsi question de plusieurs textos envoyés quotidiennement aux salariés, d'affichettes placardées dans les toilettes de l'entrepôt, de réunions anti-syndicales et, plus étrangement, de modifications apportées aux feux de circulation à proximité des lieux.
NEW: Amazon workers are exposing what's happening in Alabama.
— More Perfect Union (@MorePerfectUS) February 5, 2021
They say Amazon is forcing them into anti-union meetings, texting them up to 5x daily, putting messages in bathrooms, even changing traffic light patterns to harm union organizing. pic.twitter.com/ADnYYm08B4
Ce dernier point, qui tenait alors de la rumeur, a depuis été confirmé par des officiels du Jefferson County, où est situé l'entrepôt en question. Amazon les aurait ainsi approchés il y a quelques mois afin de faire raccourcir la durée des feux rouges placés autour de l'endroit lors des changements d'équipes.
La raison invoquée était la fluidification de la circulation, mais la réalité est bien plus sournoise. Comme l'explique The Verge, la loi américaine permet aux entreprises d'interdire aux syndicats de pénétrer dans l'enceinte de leurs locaux, ce qui est le cas d'Amazon.
Pour les syndicats, le temps passé au feu rouge par les salariés dans leurs véhicules, lorsqu'ils débutent ou finissent leur journée, est donc primordial pour les approcher, prendre quelques instants pour discuter, distribuer d'éventuels documents, et tenter de les convaincre d'adhérer au mouvement.
Les votes ont débuté le 8 février: il n'est pas impossible que ces méthodes pour le moins douteuses, et désormais publiquement éventées, aient fait pencher la balance vers le choix qu'Amazon redoutait le plus.