Le site The Hustle s'intéresse à un profil de consommateurs bien spécifique: ceux qui sont friands de produits peu populaires. Le journaliste Zachary Crockett explique que dans une entreprise ordinaire, 80% des revenus sont générés par 20% des consommateurs, et que les 10% d'acheteurs les plus voraces dépensent trois fois plus que le consommateur moyen. Mais il y a un mais: parmi ces clients dépensiers, on trouve aussi des oiseaux de mauvais augure (harbinger customers, en version originale).
Ces clients posent problème aux marques car ils semblent particulièrement attirés par les produits qui ne marchent pas auprès des autres consommateurs.
Une étude américaine de 2015, portant sur les achats de 130.000 personnes sur une durée de six ans, montre qu'environ un quart des consommateurs ont régulièrement tendance à acheter des produits dont la durée de vie en magasin n'excédera pas les trois ans pour cause d'insuccès.
Le Pepsi transparent, les Oreo à la pastèque, l'eau gazeuse de la marque de bière Coors, les lasagnes Colgate, le baume à lèvres Cheetos, les saucisses Jimmy Dean nappées de pancake et de pépites de chocolat, ou encore le shampooing Clairol au yaourt font partie des plus fameux produits récemment boudés par la majorité des gens mais ardemment réclamés par certains.
Ces oiseaux de mauvais augure sont nommés ainsi parce que leur tendance à acheter un produit en grande quantité permet de prévoir que celui-ci va faire un flop à plus ou moins court terme.
Les achats de ces «anti-influenceurs», comme les appelle le journaliste de The Hustle, sont fascinants parce qu'ils obéissent à des schémas. Par exemple, les consommateurs d'eau de Cologne Harley-Davidson semblent davantage disposés à acheter les plats cuisinés Colgate.
De même, les acheteurs de feutres parfumés au chocolat Hershey ont tendance à acheter plus de baume à lèvres Cheetos, et les amateurs de Crystal Pepsi sans sucre ont tout l'air d'être de grands fans d'Oreo goût pastèque.
Des indicateurs précieux
Les recherches ne font que commencer, mais voilà ce qu'on sait d'ores et déjà sur ce type de clientèle. Son panier contient des produits moins chers que celui du consommateur moyen (3,28 euros par article contre 3,72), elle aime se jeter sur les nouveautés plus rapidement que l'acheteur type, et elle laisse fréquemment son avis en ligne à propos des produits qu'elle achète. Par rapport à la moyenne, ce sont des individus plus âgés, plus ruraux aussi, et avec un revenu inférieur.
On apprend aussi que ces oiseaux de mauvais augure sont concentrés sur certaines zones géographiques des États-Unis (l'étude se consacre à ce pays) et que lorsqu'ils déménagent, ils ont tendance... à choisir des régions elles aussi riches en membres de cette catégorie.
Il va sans dire que les marques ont tout intérêt à s'intéresser aux goûts de ces personnes dont l'opinion va systématiquement à l'encontre de ce qu'aime la majorité de la population.
Ces braves anti-influenceurs, qui ne demandent rien qu'un peu de fantaisie et de singularité dans leur chariot de courses, risquent fort d'être très finement observés dans les années à venir: il n'y a finalement rien de plus précieux qu'une boussole indiquant systématiquement le sud.