Li Wenliang avait 34 ans lorsqu'il est décédé du Covid-19, le 7 février, cinq jours seulement après avoir été testé positif au virus. Dès fin décembre, ce médecin de la ville de Wuhan avait alerté sur un étrange virus qui rôdait dans son hôpital. Les autorités chinoises locales n'avaient alors pas pris au sérieux ses inquiétudes et l'avaient même arrêté pour avoir répandu des «rumeurs».
Depuis, Li Wenliang est devenu un héros et un martyr aux yeux du peuple chinois. Depuis quelques semaines sur le réseau social Weibo, équivalent approximatif de Twitter, des centaines de milliers de personnes rendent hommage à ce lanceur d'alerte, raconte le New York Times.
Le dernier post du médecin sur le réseau social, qui annonçait les résultats de son test, a pris une forme de mémorial virtuel. Chaque jour, des milliers de personnes y laissent des commentaires. Actuellement, on compte plus de 880.000 réponses.
Capture d'écran via Weibo
Certain·es viennent saluer Li Wenliang, lui souhaiter une bonne journée, d'autres lui racontent que les cerisiers sont en fleurs, qu'ils sont en train de tomber amoureux ou bien que leur chat est mort.
Des internautes chinois·es ont baptisé cet endroit virtuel le «Mur des lamentations chinois». Les gens viennent y partager leurs sentiments, puis s'en vont. Chaque interaction sous cette publication est apaisée, emplie de soutien mutuel.
«Le seul endroit d'internet où l'on peut dire ce qu'on veut»
C'est le 26 mars, quarante-neuf jours après la mort du médecin, que le plus grand nombre de messages ont été publiés. Nombre de Chinois·es croient en effet que le processus de réincarnation démarre au bout de sept semaines.
Le 26 mars était également une date importante pour la ville de Wuhan, qui a donné à ses habitant·es accès aux cendres de leurs proches. De nombreuses photos de personnes faisant la queue devant les maisons funéraires ont été publiées sur Weibo, ce qui a déclenché des débats sur la crédibilité du bilan officiel concernant le nombre de victimes du virus. La plupart de ces publications ont été censurées.
Beaucoup d'internautes se sont alors réfugié·es sous la publication de Li Wenliang, confiant leurs doutes quant aux informations officielles, leurs colères face à la censure et leurs peurs du Covid-19.
«Les médias sont pleins de bonnes nouvelles. Frère Wenliang, est-ce que tu les crois?», demande un·e internaute. «J'ai entendu dire que c'était le seul endroit de l'internet chinois où l'on peut dire ce qu'on veut. Alors me voilà», écrit une autre personne.
Beaucoup s'inquiètent du fait que le compte de Li Wenliang puisse être supprimé. En février, celui du blogueur Chen Qiushi, qui enquêtait sur le coronavirus, avait été fermé par les autorités. Officiellement mis en quarantaine alors qu'il ne présentait aucun symptôme, le journaliste a depuis disparu.