Une usine de masques chirurgicaux à Nankin, en Chine, le 18 février 2020. | STR/AFP

Une usine de masques chirurgicaux à Nankin, en Chine, le 18 février 2020. | STR/AFP

Le coronavirus a déclenché une impitoyable guerre des masques

L'approvisionnement tendu et les besoins mondiaux accentuent le chacun pour soi.

La pandémie de Covid-19 aurait pu être l'occasion d'inventer et d'utiliser notre système d'échange mondialisé pour la coopération entre les nations, afin de répartir de façon optimale les équipements de protection.

Seulement, sur un marché, tout les acteurs sont concurrents. Et face à une demande croissance d'équipements de protection, l'approvisionnement a rapidement tourné au chacun pour soi.

Les bons

Heureusement, tout n'est pas noir partout. Au niveau local, des réseaux de solidarité se sont organisés, notamment dans les communautés chinoises à travers le monde. Au début de l'épidémie, la diaspora américaine s'est organisée pour envoyer en Chine les équipements nécessaires.

Malgré un président qui persiste à appeler «virus chinois» le SARS-CoV-2 et des agressions racistes en augmentation, ces réseaux se sont rapidement inversés une fois l'accalmie arrivée en Chine, pour créer un véritable pipeline de dons d'équipements de protections pour le personnel soignant américain.

Une organisation similaire a eu lieu en France. Fin mars, un collectif de commerçant·es chinois·es d'Île-de-France est parvenu à acheminer 100.000 masques depuis Shanghai, afin de les offrir à l'agence régionale de santé.

Au niveau des États, une véritable «diplomatie des masques» s'est mise en place. Le Japon et le Vatican par exemple ont envoyé de nombreux masques à Wuhan au début de l'épidémie. En retour, la Chine a, à son tour envoyé des équipements de protection en Europe. Elle a aussi envoyé des médecins et des fournitures à l'Italie, qui avait pris sa place comme épicentre du virus, ainsi qu'à l'Iran et à l'Irak.

Les brutes

En dehors de ces quelques exemples d'entraide, pas toujours dénués d'arrière-pensées politiques par ailleurs, l'approvisionnement de masque se révèle complètement chaotique. Plutôt que de coopérer, les États se sont repliés sur eux-mêmes. D'après Bloomberg, au moins quatre-vingt-onze interdictions ou restrictions des exportations de matériel d'urgence ont été imposées à travers le monde.

Les États-Unis en particulier assument la stratégie «America first» de Donald Trump, quitte à passer en force au détriment de leurs alliés. L'exemple le plus célèbre de cette situation est le fameux stock de masques destiné au sud de la France, que de mystérieux acheteurs américains ont récupéré directement sur le tarmac d'un aéroport chinois en surenchérissant par rapport au destinataire originel.

Ce n'est pas un cas isolé. L'Allemagne et le Brésil se sont aussi plaints du comportement des États-Unis qui, à coup de dollars, ont dérobé des masques de sous leur nez.

Le Canada déplore de la même manière que les États-Unis aient demandé à 3M, une entreprise états-unienne, de stopper ses exportations de masque vers le reste du continent. Or, l'entreprise est l'unique fournisseur de masques dans certains pays d'Amérique du Sud.

La France n'est pas exempte de coups de force de la sorte. En mars, l'entreprise suédoise Mölnlycke avait décidé de répartir 4 millions de masques entre la France, l'Italie, l'Espagne et la Suisse.

Tous les masques ont été interceptés et réquisitionnés par le gouvernement à Lyon et n'ont finalement été rendus qu'après que l'ambassade de Suède et le ministère des Affaires étrangères, très en colère, ont mis la pression à la France.

Et les truands

Le peu de scrupule et le désespoir des nations qui tentent de s'approvisionner par tous les moyens a aussi ouvert la porte à tout les excès de la part des producteurs et de quelques opportunistes.

Le prix des masques a explosé. Le Guardian relate qu'un certain nombre d'usines réclament 50% du paiement lors de la commande et le reste avant que les masques ne quittent l'usine. D'autres préfèrent livrer les plus hauts enchérisseurs en premiers, même si ils sont les derniers à avoir passé commande.

Les négociant·es chargé·es d'acheter des masques en grande quantité naviguent entre des lois d'import-export, qui peuvent changer d'un jour sur l'autre, et la confusion sur le terrain. Des virements de millions de dollars sont fait à des inconnu·es, des rumeurs de stocks oubliés affolent le marché, des cargaisons s'échangent sans autorisations.

Dans cet environnement propice à la fraude, des personnes encore moins scrupuleuses n'hésitent pas à fournir des produits à la qualité douteuse, voire inexistante. La Chine a récemment enfermé un homme qui vendait des branches en les faisant passer pour des masques.

Des courtiers amateurs font aussi le tour des groupes de revente de masques sur internet et repostent des annonces en gonflant les prix. Et ces masques sont parfois rachetés une nouvelle fois par d'autres spéculateurs ou spéculatrices, qui font gonfler un peu plus les prix.

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