Être ou ne pas être un cyborg? Les possibilités technologiques permettant d’augmenter l’humain vont des récentes avancées du projet futuriste Neuralink, une interface cerveau-machine financée par Elon Musk, à des technologies plus anciennes comme les prothèses auditives.
Quand elle a mis au point une intelligence artificielle permettant à son fils autiste de reconnaître les émotions sur les visages grâce aux lunettes de réalité augmentée Google Glass, la scientifique Viviane Ming ne s'est pas posé trop de questions. Elles sont venues ensuite.
Redéfinir la notion d'être humain
«La scène pourrait se jouer comme un épisode de Black Mirror, où les lunettes m’aideraient à exploiter les vulnérabilités émotionnelles des autres», imagine pour Quartz la neuroscientifique, cofondatrice de Socos, un laboratoire qui mène des expériences avec l’intelligence artificielle et les sciences cognitives pour améliorer les capacités des étudiant·es. «Je voulais juste que des enfants atteints d'une pathologie, comme c'est la cas pour mon fils, aient les moyens de mieux comprendre les gens qui les entourent.»
Développer ne serait-ce que la plus bégnine de ces technologies pose un nombre vertigineux de questions éthiques. Le domaine des neuroprothèses (qui interfacent directement avec notre cerveau) est notamment au cœur des débats: il remet déjà en cause la définition même de ce qu’est un être humain.
La start-up HUMM a par exemple développé un bandeau frontal qui envoie des signaux électriques améliorant les connections entre les zones frontales du cortex et l’arrière du cerveau. Cette stimulation permettrait d’améliorer l’attention et la mémoire et pourrait aider des enfants atteints de troubles de l’attention.
Généralisation du cyborg?
«Si ces technologies peuvent augmenter les capacités d’une population qui ne les avaient pas, un jour elles feront la même chose pour les neurotypiques [un terme utilisé par les autistes pour définir les gens qui ne le sont pas, ndlr]», ajoute Vivienne Ming.
La science pourrait creuser encore plus les inégalités socio-économiques: en théorie, tout le monde devrait avoir accès à ces technologies; dans les faits, les personnes qui sont les plus susceptibles d’y accéder sont celles qui en ont le moins besoin.
«Chaque système que je construis suit ma règle la plus importante: vous devriez vous sentir mieux lorsque vous l’utilisez mais aussi lorsque vous l’éteignez, explique la scientifique. Je ne veux “soigner” personne. Encore moins mon fils. Je veux juste que les gens soient capables de partager ce qu’ils sont avec le reste du monde.»
«Où traçons-nous la frontière entre l’amélioration de notre potentiel en tant qu’humain et l’érosion de notre humanité? Qu’arrive-t-il lorsque nous voulons tous devenir des surhommes?», demande Vivienne Ming... sans toutefois offrir de réponse.