Même le deuil a été disrupté par le numérique. | Sharon McCutcheon via Unsplash
Même le deuil a été disrupté par le numérique. | Sharon McCutcheon via Unsplash

Le deuil à l'heure des réseaux sociaux

Photos, messages vocaux, SMS, profils en ligne: nos fantômes numériques nous suivent désormais partout et rendent notre deuil dépendant de la technologie.

Une stèle à dépoussiérer, quelques mauvaises herbes à enlever, des fleurs à déposer, un autel dans certains cas, des photos un peu jaunies dans un album soigneusement rangé, quelques objets fétiches: pour une grande part de l'espèce humaine, le recueillement et le deuil qui l'accompagne ont relativement peu évolué ces derniers siècles.

Le surgissement du numérique dans nos vies quotidiennes a profondément bouleversé la donne. Profils sur les réseaux sociaux –Facebook offrant même la possibilité de confier le sien à une personne de confiance en cas de décès–, messages vocaux ou SMS conservés sur les smartphones, photos de nos proches disparus dans le cloud: ce sont autant de traces numériques, de fantômes faits de 1 et de 0, autant de moyens pour les personnes en deuil de garder un contact, même post-mortem, avec celles et ceux qui manquent à leur vie.

Des morts socialement actifs

Doctorante à l'Université de Warwick, Debra Bassett explore ces questions et en a écrit un article dans The Conversation, repris par Fast Company. Elle note par exemple, de manière étonnante, qu'une étude a mis en évidence que Facebook restait une manière, pour les vivantes et les vivants, de donner des nouvelles aux êtres chers qu'ils ont perdus.

«Les morts ne sont plus cachés, ils nous accompagnent dans nos objets digitaux sous la forme de messages vocaux, de messages WhatsApp, de SMS et de photographies», écrit la sociologue. «Mais ces services de messagerie et réseaux sociaux ont été conçus pour que les personnes restent en contact avec les vivants. Les utiliser pour parler aux morts brouille la frontière entre les vies sociales des vivants et celles de “morts socialement actifs”.»

Debra Bassett a interrogé une quinzaine d'individus. Il est ressorti de ces entretiens que beaucoup chérissent et trouvent du réconfort dans des messages a priori anodins conservés sur diverses plateformes –des témoignages de vie quotidienne, plutôt que de longues et profondes tirades. L'une des femmes questionnées a confié trouver «poignante» la silhouette générique du profil LinkedIn de sa tante décédée, sur lequel elle n'avait pas publié de photo.

La peur d'une «seconde perte»

Il ressort également de ces interviews que la plupart des personnes ont peur de vivre une «seconde perte» –en clair, de perdre l'accès à ces témoignages de vie, stockés dans divers objets ou sur diverses plateformes. Le deuil numérique est également nouveau dans cet aspect: il est lié à la technologie et à son bon vouloir, à une chose sur laquelle nous n'avons pas forcément la main.

Une femme raconte son ressenti lorsqu'elle a découvert que le profil Facebook de son meilleur ami avait disparu de la plateforme. «Un jour, alors que je n'avais pas visité la page depuis quelque temps, je l'ai cherchée et elle n'existait plus. Mon cœur a tressailli. J'ai paniqué, je suis allée chercher des photos que d'autres avaient prises de lui, pensant que je pourrais le retrouver en suivant les tags, mais ils avaient eux aussi disparu. Ces photos n'étaient que son visage, sans aucun moyen d'accéder à sa personne. C'était comme de le perdre à nouveau.»

Les personnes interrogées semblent ainsi accorder une grande importance aux moyens techniques de ne pas perdre ces données –certaines refusent de mettre à jour leur téléphone, d'autres achètent des logiciels spécialisés pour s'assurer de garder le contrôle sur ces traces.

«Les données des personnes décédées constituent bien plus que du simple code –elles contiennent leurs âmes numériques», conclue Debra Bassett, ajoutant que cette nouvelle forme de deuil de l'ère moderne apporte à la fois du réconfort et de la peur.

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