Michael Graziano est professeur de psychologie à l'institut des neurosciences de l'Université de Princeton. Dans un article paru dans The Guardian, il imagine un futur lointain mais crédible dans lequel les êtres humains pourront faire scanner leur cerveau et donner naissance à un avatar numérique dans un monde virtuel.
Aucun détail ne serait oublié: souvenirs, émotions et personnalité seraient dupliquées pour créer une copie numérique fidèle et potentiellement immortelle. Appelé «mind uploading», le téléchargement de l'esprit n'est plus qu'une question de temps selon Graziano.
En théorie, la démarche est plutôt simple. Il suffirait de se rendre dans une clinique de téléchargement et débourser une certaine somme d'argent pour qu'un double numérique soit créé. Ce double évoluerait ensuite dans un environnement virtuel similaire au monde physique. Il aurait les mêmes expériences que son double physique et mortel et serait en mesure de communiquer avec lui, en utilisant un téléphone par exemple.
Pour s'y retrouver, Graziano suggère d'imaginer la vie sous la forme du Y. La naissance est symbolisée par la base de la lettre et les expériences façonnent la tige jusqu'à la ramification. Après avoir scanné son esprit, deux entités existent, l'une physique et l'autre numérique. Elles ont chacune la même légitimité. Mais une fois la ramification opérée, les expériences divergent. L'entité physique est amenée à mourir un jour, l'autre non.
De nouvelles relations sociales
On pourrait penser que ces deux entités distinctes n'auraient ensuite plus jamais besoin d'entretenir une quelconque relation. Mais aux yeux de Graziano, puisque nous sommes amené·es à interagir de plus en plus par le biais des médias numériques, il est tout à fait envisageable d'imaginer que les êtres physiques et les êtres numériques pourront faire partie «d'un même univers social et économique plus vaste et interconnecté».
La vie après la mort ne serait plus un idéal fantasmé. De toute manière, une part croissante de nos échanges ne se passent plus de manière physique. «Votre connexion avec le monde extérieur se fait presque entièrement par des moyens numériques. Les nouvelles vous parviennent sur un écran ou par l'intermédiaire d'écouteurs.»
Partant de ce constat, en quoi serait-il choquant d'imaginer un monde dans lequel entités physiques et entités numériques se côtoieraient? Une révolution anthropologique semble à l'œuvre lorsque le raisonnement est poussé un peu plus loin: les générations ne se succèdent plus mais s'accumulent et continuent de rester actives dans la société.
Sur Terre, les entités charnelles vivent, profitent et emmagasinent les expériences. Dans les nuages, les foules numériques, sages et cultivées, s'occupent des aspects politiques, économiques et sociaux qui concernent désormais les êtres physiques et numériques.