Nos journées, nos amours, nos peines, nos joies, nos films, nos jeux, la vie: tout, désormais, peut se raconter en emojis, cette novlangue de l'ère des écrans, ces ponctuations de nos discussions en ligne. Les emojis ont un autre avantage: imagés, ils sont devenus un langage globalisé, international, permettant quelques bribes d'échanges avec ces congénères aux quatre coins du globe dont nous ne saisissons habituellement pas un mot.
Mais –il y a un mais évidemment– les emojis ne sont pas l'esperanto tant espéré, ils sont des signes et des symboles qui, s'ils peuvent être compris de la même manière presque partout, peuvent aussi prendre un sens bien différent dans quelques pays bien particuliers.
Pour Rest of World, le journaliste Alex González Ormerod a ainsi conçu un mini-guide contre les maxi-gaffes, un dictionnaire des emojis dont le sens, ici ou là, n'est pas celui que vous pensez, une liste des écueils à éviter à tout prix pour ne pas vous attirer l'ire ou l'incompréhension de la personne à laquelle vous parlez.
Premier exemple: la paume levée, généralement un signe pacifique, une manière de dire que vous souhaitez prendre la parole, un agréable petit coucou. Mais pas au Pakistan! Dans vos chats comme dans la vraie vie, un 🖐 signifie que vous jetez un mauvais sort à votre interlocuteur: on a vu des guerres mondiales commencer pour de plus petites malédictions que ça.
De la même manière, explique Alex González Ormerod, le poing serré que vous utiliserez dans la quasi-intégralité du monde pour signifier votre lutte solidaire prend au Mexique un tout autre sens. Vraiment tout autre: de la même manière que, montré paume vers soi, le V de la victoire churchillien va très fortement irriter un britannique, un ✊ équivaut pour un Mexicain ou une Mexicaine à un doigt d'honneur mâtiné d'une insulte maternelle.
😂😂😂
Mieux vaut le savoir, comme il est préférable de se méfier du 🤘 cher aux amateurs de metal: en Amérique du Sud, ce sont des cornes, et le signe est un symbole de l'adultère. Quant à la Chine, le journaliste note qu'elle aussi est pleine de faux bons amis: le pourtant très innocent petit smiley de base, 🙂, peut signifier une très profonde exaspération, alors que ce charmant petit angelot 👼 peut être interprété comme une menace de mort.
Revenons vers le V de la victoire. S'il rappelle Churchill à de nombreux humains, sous toutes les longitudes et latitudes, il est en Argentine très lié à un autre personnage, Juan Perón, qui a laissé quelques traces profondes dans le pays: le ✌️ est donc synonyme de péronisme, et vous pourriez y laisser quelques camarades.
Quant au «OK» ou «nickel!» basique, le 👌, il n'a rien de basique, en gestuelle comme en emoji. Il peut ailleurs que chez nous signifier un «zéro» péjoratif (bon à savoir au restaurant), il est l'équivalent d'un doigt d'honneur au Brésil (bon à savoir en discothèque), ou pointe toute chose liée à l'anus (bon à savoir partout). Et, en politique, il a été repris comme un (plus si) discret signe de ralliement par les militants de l'alt-right américaine.
Alex González Ormerod donne quelques autres exemples, notamment japonais. Si vous souffrez d'un mal quelconque, n'essayez pas de demander la direction de l'hôpital le plus proche à quelqu'un avec 🏩: dans le pays qui a inventé les emojis, ce n'est pas un établissement de soins, mais un hôtel de passe. Quant au 💩, il est comme dans une fameuse locution française synonyme non d'excrément, mais de bonne fortune.