Manifestation pro-Ouïghours devant les Nations unies à Genève en novembre 2018 | Fabrice Coffrini / AFP
Manifestation pro-Ouïghours devant les Nations unies à Genève en novembre 2018 | Fabrice Coffrini / AFP

Une entreprise américaine a aidé la Chine à ficher génétiquement les Ouïghours

Pékin a recouru à des technologies et à du matériel américain pour procéder au fichage de la minorité musulmane.

Le gouvernement chinois ne recule devant rien pour surveiller et réprimer sa population ouïghoure, une communauté à majorité musulmane. Par centaines de milliers, ses membres sont internés dans des camps de «rééducation» où on les incite à renoncer à leur religion.

Leur région, le Xinjiang, au nord-ouest du pays, sert par ailleurs de laboratoire pour la mise au point de la politique de surveillance de masse mise en place graduellement par Pékin: reconnaissance faciale, traçage GPS, mais aussi fichage génétique.

Pour tout ce qui est high-tech, le gouvernement a plutôt tendance à s’appuyer sur des entreprises locales. Mais pour procéder à la collecte de données ADN, il a eu recours aux services d'une société américaine: le New York Times a révélé que, sous prétexte de «check-ups de santé» gratuits, l’ADN, les iris et les empreintes digitales des membres de la communauté ouïghoure avaient été collectées et archivées.

Afin de réaliser ces prélèvements, le gouvernement a utilisé du matériel américain fourni par le géant des biotechnologies Thermo Fisher Scientific. Un business très lucratif puisque dans son rapport annuel en 2017, la société affirmait que le pays représentait 10% de ses revenus –cette année-là, le chiffre d'affaires déclaré s'élevait à 20,9 milliards de dollars.

Dans ce même rapport, Thermo Fisher expliquait même que son «plus grand succès dans les marchés émergents restait la Chine», et se félicitait d’aligner sa stratégie sur le plan quinquennal du pays, «avec un accent sur la médecine de précision, la protection environnementale et la salubrité alimentaire».

Prévenue plusieurs fois

L’entreprise a finalement décidé de stopper ses activités dans la région du Xinjiang, «en cohérence avec les valeurs, le code éthique et les règlements de Thermo Fisher». Elle a aussi promis qu’elle travaillait avec les autorités américaines afin de comprendre comment sa technologie était vraiment utilisée.

Cette décision intervient alors que de nombreuses entreprises sont pointées du doigt pour leur collaboration avec la politique totalitaire de la Chine. Google a par exemple récemment cédé à la pression de ses propres salariés et renoncé à fournir à la Chine un moteur de recherche censuré.

Ce retrait est plutôt tardif: dès 2017, Thermo Fisher Scientific a été prévenue par deux fois par l’ONG Human Rights Watch de l'utilisation réellement faite de son matériel. En février 2018, Marco Rubio, sénateur de Floride, avait aussi fait part de ses inquiétudes via un courrier à Marc Casper, le PDG de Thermo Fisher.

Si Human Rights Watch salue un pas dans la bonne direction, elle estime toutefois que circonscrire l’arrêt des ventes au Xinjiang n’est pas suffisant. Car selon l’ONG, le fichage génétique effectué par la police chinoise n’est pas confiné à cette seule région.

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