Professeur de science politique à l'Université de Toronto, où il codirige également l'Environmental Governance Lab, Matthew Hoffman dresse dans The Conversation un constat sombre pour l'année 2020 en matière de catastrophes climatiques.
Avant de s'enfoncer dans les affres de la pandémie de Covid-19, l'année s'est ouverte sur les images effrayantes des méga-incendies australiens, puis s'est refermée sur leur retour en décembre, avec le nouveau désastre de feux inarrêtables sur l'île Fraser dans le Queensland, sanctuaire naturel dont le nom aborigène, K'Gari, signifie «paradis».
Entre les deux, l'année semble n'avoir été ponctuée que de nouvelles désespérantes, dont Hoffman dresse une liste édifiante. Forêt amazonienne dévorée par les flammes, Inde et Bangladesh balayés par le super-cylcone Amphan, inondations majeures en Indonésie ou au Kenya, canicule et fonte accélérée en Arctique, ouragans cataclismiques au Honduras et au Nicaragua, records globaux de chaleur: il y a de quoi ne voir l'avenir qu'en noir.
Un désespoir climatique et un sentiment de perte définitive auquel certains psychiatres, rapporte Hoffman, ont même trouvé un nom: la solastalgie.
Celle-ci a pu s'abreuver sans fin dans les discours apocalyptiques de certains acteurs publics de haut rang, ou dans les alertes brutales émises par une partie du monde scientifique.
Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a ainsi déclaré que la planète était cassée, tandis que les médias se sont fait l'écho d'une étude scientifique –très critiquée– expliquant qu'un point de non-retour climatique avait d'ores et déjà été dépassé.
Cette «solastalgie» est, selon Matthew Hoffman, un danger existentiel, celui d'une nouvelle forme de déni climatique. Pour le commun des mortels baignant quotidiennement dans ce visqueux torrent de nouvelles noires, penser que le mal est de toute façon déjà fait, baisser les bras, perdre le sens de l'urgence, se laisser aller à l'inaction est l'unique horizon.
Haut les cœurs!
Tout n'est pourtant pas encore perdu, assène le chercheur. «Nous avons des problèmes, mais nous ne sommes pas foutus», écrit-il, précisant que l'état des connaissances et de la science ne colle pas (encore) avec cette envie diffuse d'abandonner tout espoir.
Il note que l'année, bien que sombre, a également été ponctuée de notes plus lumineuses. À l'image de celui mené par Greta Thunberg, les mouvements écologiques semblent avoir gagné en dynamique et en puissance.
De nombreuses nations se sont officiellement engagées dans la transition vers une économie décarbonnée. Le jeu du marché lui-même, allié à l'activisme de certains fonds d'investissement, rendent les énergies renouvelables moins coûteuses et plus attirantes que jamais.
La recherche scientifique connaît une accélération sans précédent, ouvrant des horizons à des innovations –fusion nucléaire, capture du carbone, etc.– à même de changer profondément la donne.
L'élection de Joe Biden signifiera le retour des États-Unis dans l'accord de Paris, ce qui devrait accélérer l'adhésion politique aux changements nécessaires. Surtout, la réaction mondiale à la pandémie a prouvé que l'humanité, confrontée à une grande urgence, était capable d'adapter extrêmement rapidement ses modèles complexes à la nouvelle donne.
C'est, explique Hoffman, sur cette dynamique, sur cette force, sur «le courage, la joie et la rage» que repose l'avenir de l'humanité et de la planète qui l'abrite: malgré les apparences, le temps du désespoir n'est pas encore venu.