La pierre ponce, c'est l'objet que nombre d'entre nous possédons dans notre salle de bains pour nous abraser les pieds. Mais à très grande échelle, la pierre ponce est une catastrophe écologique –et les Japonais sont en train d'en faire les frais.
Depuis la fin du mois de septembre, de vastes nappes de pierres ponces dérivent le long du littoral, obscurcissant l'eau et causant des perturbations majeures sur la pêche et le tourisme, raconte le Japan Times.
Tout a commencé le 13 août avec l'éruption du volcan sous-marin Fukutoku-Okanoba, situé dans le petit archipel des îles Ogasawara, à près de 1.200 kilomètres au sud de Tokyo.
Cette éruption, l'une des plus puissantes qu'a connues le Japon depuis la Seconde Guerre mondiale, a projeté des matières volcaniques jusqu'à 19.000 mètres d'altitude et libéré entre 300 millions et un milliard de tonnes de magma.
Elle a aussi produit des dizaines de millions de tonnes de pierres ponces, qui dérivent à présent à la surface de l'eau. Comme ces pierres sont extrêmement poreuses et légères, elles flottent et sont baladées au gré des courants marins.
Début octobre, les pierres ont commencé à arriver dans la préfecture d'Okinawa, à plus de 1.000 kilomètres du volcan. D'autres nappes ont également été repérées dans la préfecture voisine de Kagoshima. Le 5 novembre, leur présence avait été signalée dans quatre-vingt-un ports de ces régions, et elles menacent désormais les eaux proches de la capitale, Tokyo.
Maudit volcan
Tout cela n'est pas sans conséquences. Cette masse grise et flottante bloque complètement la lumière du soleil et suscite des inquiétudes quant à son impact sur la vie marine, explique le Japan Times.
Le manque de lumière pourrait ainsi réduire la photosynthèse du phytoplancton. En novembre, une jeune tortue verte a été trouvée échouée sur une plage d'Okinawa, l'estomac rempli de pierres ponces.
La coopérative de pêche Katsuren, à Uruma (Okinawa), qui cultive des algues mozuku, s'inquiète également de l'impact sur son activité. «S'il y a de grandes quantités de pierres ponces à la surface de l'eau, le mozuku risque de ne pas bénéficier de suffisamment de nutriments», se tracasse l'exploitant Katsuo Oshiro auprès du Ryukyu Shimpo, un quotidien local. Les pêcheurs sont aussi coincés à quai, les pierres risquant d'abîmer les moteurs des bateaux.
Ces nappes affectent par ailleurs le tourisme: le personnel d'un hôtel balnéaire d'Okinawa a ainsi été contraint de dégager une plage complètement recouverte de pierres ponces. Ces dernières pourraient même bloquer les canalisations des centrales électriques et des aciéries, qui se refroidissent à l'eau de mer.
Les autorités ont commencé à enlever les pierres à l'aide de pelleteuses mais la tâche s'avère titanesque, car de nouvelles pierres ponces arrivent tous les jours.
Les pêcheurs devraient quant à eux pouvoir faire jouer leur assurance, mais le coût du désastre s'annonce salé. Le phénomène n'est toutefois pas une première: en 2019, une mer de pierres ponces de 150 kilomètres carrés avait dérivé plusieurs mois au large des îles Tonga après une éruption volcanique sous-marine. Mais la zone était nettement moins fréquentée.