Parmi les cinquante plus importantes fuites de méthane dans l'atmosphère depuis 2019, trente et une proviennent du Turkménistan, estime la société d'analyse de l'industrie pétrogazière Kayrros. Alors qu'il ne compte que 6 millions d'habitants, ce pays situé au bord de la mer Caspienne, entre l'Iran, l'Ouzbékistan et l'Afghanistan, est le troisième plus gros émetteur de méthane, un gaz à effet de serre particulièrement dangereux, derrière la Russie et les États-Unis.
L'ancienne république soviétique dispose de la quatrième réserve mondiale de gaz naturel au monde. Son sous-sol, riche de milliers de milliards de mètres cubes de la précieuse énergie, est exploité depuis l'époque soviétique. Seulement, une grande partie des infrastructures datent de la même ère.
Depuis la chute de l'URSS, le Turkménistan est une dictature brutale: le pays est dirigé par Gurbanguly Berdimuhamedow, un autocrate qui a développé un culte de la personnalité autour de sa figure.
Le pays est aujourd'hui extrêmement isolé du monde extérieur. «Pensez-y comme à une Corée du Nord sans la bombe», explique à Bloomberg Luca Anceschi, un professeur de l'université de Glasgow spécialisé dans l'Asie centrale.
Porte de l'Enfer
Le pays n'offre donc aucune transparence quant à ses exploitations de gaz naturel. Selon Bloomberg, empêcher ces fuites de gaz à répétition qui causent ces gigantesques émissions serait relativement bon marché: les coûts du colmatage sont généralement remboursés par les économies effectuées en vendant le gaz qui se serait échappé.
Mais, financièrement, le Turkménistan n'a aucune raison de prêter plus d'attention que cela à ces fuites: le pays est tellement riche en gaz qu'il dispose de plus de ressources qu'il ne peut en vendre.
Pour avoir une meilleure idée de la colossale quantité de gaz enfermée dans les sous-sols turkmènes, un accident de forage a créé un cratère de 70 mètres de diamètre au centre du pays, en 1971. Pour stopper la fuite massive de gaz, le cratère a dû être enflammé; surnommé «la porte de l'Enfer», il brûle sans interruption depuis cinquante ans.
Le Turkménistan est hermétique aux pressions diplomatiques, la solution pour le forcer à réduire ses émissions serait donc le boycott. Seulement, le client principal du gaz turkmène est la Chine, qui n'a aucune intention de cesser ses importations, bien au contraire.
Le premier fournisseur en gaz naturel liquéfié de la Chine est l'Australie, avec qui les relations diplomatiques sont au plus bas du fait des ambitions chinoises dans le Pacifique.
Le Turkménistan est donc un partenaire beaucoup moins regardant quant à la politique internationale de Xi Jinping. Lors d'une visite à Achgabat, la capitale du pays, en juillet 2021, le chef d'État chinois a annoncé qu'il souhaitait étendre le «volume et l'échelle de la coopération gazière» entre les deux pays.