Le storytelling était écrit, brodé avec soin. Dans un moment politique tempétueux pour un Donald Trump candidat à sa réélection, en baisse dans les sondages, pris en étau entre les critiques bruyantes de sa gestion chaotique de la crise du Covid-19 et de celle, clivante et désastreuse, du mouvement Black Lives Matter, et qui doit désormais subir le grand déballage de son ex-conseiller John Bolton, ce devait être le moment du rebond.
Un meeting à Tulsa dans l'Oklahoma le 20 juin, face à une foule massive à l'amour indéfectible, prête à braver tous les virus du monde pour soutenir son héros, et Trump pouvait commencer à montrer ses muscles en vue de l'élection présidentielle de novembre.
Cela semblait plutôt bien parti: Brad Parscale, aux manettes de sa campagne, n'a cessé de clamer par avance le succès massif de l'événement. Lundi 15 juin, il se targuait ainsi sur Twitter d'avoir dépassé le million de pré-inscriptions pour le raout de Tulsa.
Over 1M ticket requests for the @realDonaldTrump #MAGA Rally in Tulsa on Saturday.
— Brad Parscale (@parscale) June 15, 2020
Before entering each guest will get:
✅Temperature check
✅Hand sanitizer
✅Mask
There will be precautions for the heat and bottled water as well.
Las, les reporters sur place ont constaté une toute autre réalité. L'enceinte du BOK Center, d'une capacité de 19.000 personnes, n'était pas clairsemée mais à moitié vide. Les lieux de rassemblement prévus aux alentours de la salle pour accueillir la foule débordante étaient tout simplement fermés.
As others are reporting, looks like attendance here in Tulsa is well below campaign's expectations. Here's the main floor at the arena currently pic.twitter.com/EASfSHL5nN
— Steadman™ (@AsteadWesley) June 20, 2020
«Walk of shame»
Que s'est-il passé? Des hordes de gauchistes violents et menaçants ont-ils empêché l'accès au BOK Center, comme l'a prétendu l'équipe de campagne de Donald Trump?
Pas du tout: cette dernière a eu affaire à un tout autre type de mobilisation, surprenante, innovante et, pour les personnes ne partageant pas les vues du président américain, plutôt réjouissante.
Des adeptes de l'application TikTok et une armée de fans de K-pop –une communauté très active dans le cadre du mouvement Black Lives Matter– ont semble-t-il uni leurs forces pour faire plier le système mis en place par Brad Parscale.
OMG y'all. I ran in to tell my son (14yo) how Gen Z (his gen) punked @realDonaldTrump w/ticket plan on TikTok and IG!
— Kerry Neville 🇺🇸🇮🇪 PhD (@mommamaybemad1) June 21, 2020
My son in the middle of scrolling through TikTok: "Yeah, I know Mom. I ordered one of the tickets. That was the plan. Our plan worked."#TrumpRally #GenZ
Sur TikTok, nombre de jeunes gens se sont mis à poster des vidéos, très partagées, pour expliquer avec ironie et effet d'entraînement qu'ils avaient commandé des billets pour le meeting de Tulsa, sans pouvoir malheureusement s'y rendre.
Le directeur de campagne, de son côté, voyait les chiffres –et sa satisfaction– gonfler de manière tout à fait artificielle et pérorait déjà sur le succès de son meeting, sans comprendre un instant ce qu'il se tramait.
The walk of shame. pic.twitter.com/u0GRFnnKeY
— The Lincoln Project (@ProjectLincoln) June 21, 2020
Quelques heures après le naufrage public, alors que la plupart des médias internationaux faisaient déjà leurs gros titres sur le bide total de cet évènement présenté comme crucial, Donald Trump apparaissait groggy, défait et titubant dans ce que beaucoup ont appelé une «walk of shame», une «marche de la honte». L'image, terrible, signait la victoire par K.O. des jeunes opposant·es contre le président américain.