Les nombreuses manifestations en cours sur le sol américain à la suite de la mort de George Floyd, un homme noir tué par un policier blanc, ont remis sur le tapis une vieille question: celle des profondes inégalités économiques auxquelles la communauté afro-américaine est confrontée.
Les chiffres sur le sujet ne manquent pas aux États-Unis: le taux de chômage est deux fois plus élevé au sein de la population noire; la valeur nette en richesse d'un ménage blanc équivaut en moyenne à celle de 11,5 ménages noirs combinés et plus de 20% de la population noire vit sous le seuil de pauvreté, contre 10,1% de la population blanche non hispanique. Dans un article sur le sujet, le Washington Post a même montré que le fossé économique Noirs-Blancs était aussi important en 2020 qu'en 1968.
Pourtant, la réalité serait encore pire. Les statistiques officielles du pays, qui proviennent pour la plupart du Bureau of Labor Statistics (BLS), omettent tout un pan de la population noire dans leur calcul: celles et ceux qui vivent actuellement derrière les barreaux.
«8% des jeunes hommes noirs non comptabilisés»
Selon le média Quartz, les près de deux millions de personnes actuellement incarcérées dans les prisons américaines seraient exclues de ces statistiques économiques et sociales du pays. Or, la population noire est fortement représentée dans les prisons. Avec une écrasante majorité d'hommes, elle constitue plus d'un tiers de la population carcérale, pour seulement 13% de la population du pays.
Derek Neal, économiste de l'Université de Chicago, explique que «7 à 8% des jeunes hommes noirs sont incarcérés et ne sont pas comptés». Cela biaise la compréhension de l'écart économique entre les Noir·es et les Blanc·hes aux États-Unis et montre une vision un peu moins tragique des inégalités raciales.
Dans un autre article de Quartz, la sociologue Becky Pettit, autrice du livre Invisible Men: Mass Incarceration and the Myth of Black Progress, tente de calculer le taux d'emploi chez les jeunes hommes noirs peu qualifiés aux États-Unis en tenant compte, cette fois-ci, de la population carcérale. Résultat: il passe de 42% selon les chiffres officiels à 30% en 2008.
Ces inégalités qui gangrènent la société américaine ont été mises en lumière avec la crise sanitaire du coronavirus. La pauvreté et le manque d'accès aux soins qui touchent cette partie de la population ont entraîné une surreprésentation des Afro-Américain·es dans les décès liés au Covid-19. Les répercussions économiques qui découlent de la crise pourraient à leur tour creuser un peu plus les inégalités raciales outre-Atlantique.