Lorsque l’État islamique s’est retrouvé banni des réseaux sociaux, il s’est tourné vers la messagerie chiffrée, Telegram en tête, pour perpétuer sa politique de recrutement et de propagande. À ses membres, il conseillait l’utilisation de ProtonMail, une messagerie web à très haute confidentialité. Rien de très étonnant pour une entreprise suisse.
Aujourd’hui, les groupuscules néonazis se retrouvent confrontés à une situation similaire et se mettent à leur tour à se servir de ProtonMail, explique Motherboard. Parmi eux, le réseau Feuerkrieg Division (FKD), étroitement surveillé par le contre-terrorisme et qui, se revendiquant comme «organisation paramilitaire héritière de la révolution national-socialiste», encourageait ses membres à commettre des attaques dans le sillage de celle de Christchurch en Nouvelle-Zélande et appelait également à l’assassinat d’un politicien belge.
«La plupart de nos membres sont éparpillés dans tout l’Occident. D’abord, il nous faut faire de la propagande pour recruter. Ensuite, une fois que des cellules seront établies, nous pourrons quitter le réseau», a commenté l’un des membres.
La vie privée s’arrête où commence l’illégalité
Contacté par Motherboard, ProtonMail dit se sentir très concerné par le FKD et consorts. «Nous sommes plutôt surpris de voir que notre messagerie a les faveurs des suprémacistes blancs, sachant que nous prônons la diversité et avons déjà par le passé bloqué des comptes qui incitaient à la violence. Nous croyons au droit à la vie privée et les services de chiffrements et d’anonymat protègent les lanceurs d’alertes et les journalistes. Cependant, nous prônons la tolérance zéro envers toute activité illégale. Cela inclut les discours de haine, qui sont illégaux en Suisse», a déclaré un responsable de la messagerie helvète.
Vers une tolérance zéro aux USA?
D’après Amarnath Amarasingam, expert en terrorisme, «lorsque l’État islamique a battu en retraite sur les réseaux sociaux, il a trouvé refuge sur Telegram. L’inconvénient c’est qu’il est devenu plus difficile à surveiller. Mais le fait que ses membres communiquent désormais en vase clos a paradoxalement facilité certaines choses».
Ces groupuscules ne sont pas encore considérés comme tels et sont donc loin de faire l’objet d’une surveillance aussi poussée que celle de l’État islamique.
Alors qu'au Congrès américain se tiennent des discussions pour savoir si les groupuscules néonazis et suprémacistes sont devenus une menace pour le pays, Amarnath Amarasingam rappelle qu’à la différence de l’État islamique, «ces groupuscules ne sont pas encore considérés comme tels et sont donc loin de faire l’objet d’une surveillance aussi poussée que celle de l’État islamique». Ils peuvent donc toujours se rencontrer dans des lieux publics et s’organiser, ce qui demeure impossible pour une cellule djihadiste.