Gagner des millions en vendant des informations militaires américaines au plus offrant: ce n'est pas le plan du méchant du prochain James Bond, mais le fonds de commerce d'une famille américaine qui a pignon sur rue depuis les années 1970.
Depuis 1967, n'importe quel citoyen américain peut forcer le gouvernement et ses agences à fournir les informations non classées dont ils disposent, grâce à une loi baptisée «Freedom of Information Act» (FOIA). Pendant un temps, raconte Wired, les restrictions étaient si peu nombreuses qu'à peu près toutes les demandes se voyaient acceptées.
Bien qu'elles soient accessibles à tous, les requêtes FOIA sont laborieuses. Il faut savoir où chercher et être familier avec la gigantesque machine administrative qu'est le gouvernement des États-Unis. Des entrepreneurs se sont donc rapidement aperçus qu'ils pouvaient se fournir en informations précieuses quasiment gratuitement, puis les revendre à des clients moins familiers avec le système.
Le plus déterminé d'entre eux est certainement George Posey, le PDG d'une petite société de Californie du Sud nommée Newport Aeronautical Sales. Son business plan était simple: récolter en masse des données techniques sur les appareils militaires, puis les revendre pour vingt fois le prix, si ce n'est plus.
Plans, manuels… Les bureaux californiens de George Posey était remplis, du sol au plafond, d'informations du Pentagone prêtes à être vendues, et ce parfaitement légalement.
Sa clientèle était essentiellement constituée de petites entreprises souhaitant postuler aux appels d'offres publics pour des contrats de réparations, mais l'entreprise ne rechignait pas non plus à fournir des marchands d'armes et autres intermédiaires louches, détaille Wired.
Si les revendeurs professionnels d'informations pullulaient à l'époque et qu'ils continuent de représenter la majorité des utilisateurs du FOIA, George Posey se démarquait en n'hésitant jamais à traîner l'État en justice lorsqu'une requête n'aboutissait pas.
Une affaire de famille
Malgré l'hostilité du département de la Défense, tout cela était donc parfaitement légal. Du moins jusqu'en 1986: cette année-là, George Posey a été pris la main dans le sac par le FBI en train de vendre des plans à l'armée sud-africaine, à l'époque sous le coup de sanctions commerciales anti-apartheid. Malgré quatre mois passés derrière les barreaux, le Californien, obstiné, a repris ses activités dès sa sortie de prison.
Mais, en septembre 2001, deux avions percutent les tours jumelles et le département de la Défense renoue avec son extrême paranoïa pré-FOIA. Une nouvelle fois, l'accès du public aux informations de défense est verrouillé au maximum.
La vente d'informations militaires est un business trop juteux pour que la famille Posey —le fils de George, Mac, ayant rejoint l'entreprise familiale—y renonce toutefois aussi facilement. Elle a donc continué de tenter, par tous les moyens, d'obtenir un maximum de documents. Y compris, cette fois, illégalement.
En 2019, une perquisition de Newport Aeronautical Sales a révélé que l'entreprise contactait ainsi des employés civils de l'armée afin de toujours avoir accès à un flux continu d'informations qu'elle n'aurait pas dû avoir entre les mains. Plus de trente ans après l'incarcération de George, un second Posey risque donc la prison. Pas sûr que cela arrêtera bien longtemps la famille la plus obstinée d'Amérique.