Sortir une équipe de l'ombre, porter ses joueurs inconnus vers la gloire internationale, et y passer des milliers d'heures: c'est Football Manager. | Koch Media
Sortir une équipe de l'ombre, porter ses joueurs inconnus vers la gloire internationale, et y passer des milliers d'heures: c'est Football Manager. | Koch Media

Qui se souvient de «L'Entraîneur», l'ancêtre de «Football Manager»?

Gagner la Ligue des champions avec Strasbourg, le ballon d'or avec Jean-Pascal Yao... Alors que «FM» sort sa nouvelle mouture, retour sur vingt ans de management virtuel.

On se trouve souvent de nouvelles passions par hasard, si bien que la genèse des émois peut se révéler obscure et impénétrable. Cette fois-ci, l'euphorie débuta le plus banalement du monde, à l'occasion d'une déambulation du samedi après-midi dans une grande surface de banlieue parisienne, dans l'un de ces temples froids de la consommation réservés aux classes moyennes et aux chariots remplis à ras bord.

Direction le rayon «ordinateurs», dans le corner «jeux vidéo». Se cachait là, derrière des dizaines de titres destinés au grand public, une jaquette à l'intitulé forcément intrigant pour le gamin assoiffé de football que j'étais alors (et suis d'ailleurs resté): Championship Manager: Season 97/98. Soit une simulation la plus ultra-réaliste possible, dans laquelle il s'agissait de se mettre dans la peau d'un «manager à l'anglaise» pour amener son club vers les sommets.

Transferts, gestion de l'effectif, mise en place d'une tactique, d'un schéma de jeu et d'un planning d'entraînement: Championship Manager, L'Entraîneur en V.F., permettait d'accéder à des fonctions auxquelles les autres jeux de football (la série FIFA, l'antique ISS puis Pro Evolution Soccer) ne donnaient pas accès.

Le choc fut immédiat! Soudain, le football devenait une affaire d'esprit, et plus uniquement d'exploit physique. Tout à coup, le ballon s'envisageait comme une matière raffinée, qui imposait le déploiement de trésors d'habileté intellectuelle pour espérer enchaîner les victoires.

Premiers émois turinois

Le jeu était sorti à l'automne 1997, quelques mois avant le triomphe inattendu de l'Équipe de France en Coupe du monde. Je me souviens que toute la presse détestait Aimé Jacquet...

J'avais 11 ans et me passionnais pour la Juventus. J'entamais ainsi logiquement une partie avec mes héros piémontais, puisque dans mon armoire se trouvait le full kit turinois (maillot, short, chaussettes et survêtement d'entraînement). Quand on aime, on ne compte pas!

Sous le maillot de la Veille Dame, deux Bleus excellaient IRL et virtuellement: Didier Deschamps jouait en récupérateur tandis que Zidane éclairait le jeu turinois en position de meneur de jeu. Avec ces deux-là, les triomphes n'étaient pas chèrement acquis. Tout semblait facile en quelques clics avec sa souris.

Des heures durant, à mesure que la doublette Inzaghi-Del Piero enfilait les buts comme des perles, face à mon écran de PC de marque Hewlett Packard, je jubilais.

Tout cela me semblait alors bien étonnant. Il n'y avait là ni manette comme sur la Megadrive ou la Nintendo, pas même ce joystick superbement imprécis avec lequel il nous prenait, mes frères et moi, l'idée saugrenue de jouer à FIFA sur PC (à l'époque, oui, il était possible de gamer comme cela...).

Certes, L'Entraîneur n'était pas encore très joli, mais il était jouissif. | Capture d'écran

Et puis L'Entraîneur possédait une interface rudimentaire, franchement austère. Pas de reproduction des matchs en 3D, ni même en 2D. Pour vivre les matchs, il fallait se contenter du défilement d'un texte qui racontait les moments-clés des rencontres disputées par ses joueurs. L'apparition de points d'exclamation signifiait la survenue d'un but. C'était il y a vingt ans, avant que le foot devienne une affaire d'image.

RIP To Madeira

Au fil des années, je suis devenu un fidèle de la série. Chaque nouvelle édition était l'occasion de se fixer de nouveaux défis. Chaque nouveau voyage effectué dans la vie réelle permettait de prendre les rênes de l'équipe locale. On allait à Amsterdam? Il fallait vite prendre l'Ajax. On découvrait Manchester? Alors pourquoi ne pas se mettre dans la peau de Sir Alex Ferguson?

Ce n'est pas tout... Chaque nouvel opus permettait de découvrir de nouvelles pépites, autrement dit des joueurs qui faisaient la différence sur le terrain, développaient un potentiel hors norme et seraient ensuite revendus à prix d'or sur le marché des transferts.

Je me souviens ainsi de Peter Odemwingie, de Freddy Adu, de Julius Aghahowa et d'Anatoli Todorov. Autant de joueurs sublimes qui permettaient de transformer des parties anodines en road to glory échevelées.

Avec To Madeira, mon PSG de cœur, qui végétait souvent dans le ventre mou du classement de Ligue 1 et n'était pas encore le jouet de propriétaires qatariens (eux aussi lancés dans une partie de FM cette fois-ci bien réelle) devenait une véritable machine de guerre! To Madeira... Un faux joueur ajouté, sans qu'on ne sache trop comment, à la gigantesque base de données qui faisait la réputation du jeu.

To Madeira, le meilleur joueur de l'histoire du football (virtuel). | Capture d'écran

Ce dernier, supposément né en 1979 au Portugal, avait du feu dans les jambes et cette capacité –purement géniale– de pouvoir inscrire au moins un but par match. Soit l'assurance de posséder dans son effectif un buteur capable de finir la saison avec au moins trente-cinq buts réalisation. L'embellie.

Jean-Pascal Yao sur le toit du monde

En 2004, un petit séisme se produisit dans la grande communauté des amoureux de L'Entraîneur. Miles Jacobson, son inventeur émérite, annonça ce qui restera comme dans l'histoire du jeu comme un schisme douloureux.

Un beau jour, sa société Sports Interactive (SI) quitta l'éditeur Eidos pour rejoindre Sega. Le deal était le suivant: Eidos conserva l'interface utilisateur et la marque, tandis que SI garda le trésor de guerre, à savoir la base de données du jeu et son code.

Quelques années durant, les deux versions cohabitèrent puis, rapidement, les fans hardcore de L'Entraîneur migrèrent vers le réalisme accru des développeurs de Jacobson. Football Manager était né!

La passion, elle, ne fit que s'accentuer. Adolescent, FM devint le moyen de parfaire une connaissance du football que les chaînes de télévision ne parvenaient pas à combler. Chaque joueur, noté de 1 à 20, devenait alors l'objet d'infinies potentialités, bien aidé en cela par un éditeur de jeu qui permettait de modifier, avant chaque partie, le niveau de ses petits protégés.

Technologie aidant, je me souviens avoir commis, un jour, l'irréparable... Pris de folie, j'avais transformé Jean-Pascal Yao, obscur pensionnaire du Grenoble Foot 38, en meilleur défenseur de tous les temps.

Ce dernier, qui IRL n'avait jamais connu mieux que les joutes sommaires des divisions inférieures, se voyait systématiquement transféré vers le Barça ou le Real, qui faisaient abusivement monter les enchères pour s'arracher ses services. Jouer à FM peut permettre de devenir le dieu de son petit univers...

Gagner la Ligue des champions avec Strasbourg

L'arrivée de l'ADSL dans les foyers permit aux FM-addicts de trouver une foultitude de partenaires pour partager leur passion. Les forums officiels et officieux se développèrent alors rapidement. D'Australie jusqu'en Islande, on se partageait à toute heure du jour et de la nuit ses bons plans, ses wonderkids et ses tactiques infaillibles.

Je me souviens de Mr Hough, de cragswfc et de Knapp comme autant de réminiscences arrachées à l'ennui des années lycée. J'imaginais ces types-là, potentiels managers de génie, à la hauteur des Lippi, Wenger et autres Mourinho... Avec le temps, quelques joueurs sautèrent le pas et devirent, croyez-le ou non, salariés de clubs professionnels.

Loin d'être mauvais, je développais pour ma part quelques stories cinq étoiles. Il y eut notamment cette épopée fantastique avec un Sannois Saint-Gratien tiré de l'amateurisme pour rejoindre les joutes de l'élite. Puis ce solide RC Strasbourg qui régna, au tournant des années 2000, sur la Ligue 1 avant de faire vivre au peuple alsacien le frisson des soirées de Ligue des champions.

Sherman Andrés Cárdenas, milieu de terrain colombien arraché à son club formateur et César Delgado, attaquant de poche inspiré, me permirent de décrocher une Ligue des champions, certes bien aidé par quelques sauvegardes effectuées aux moments idoines.

Depuis, chaque année alors que l'automne arrive, la certitude qu'il faudra jeter un œil au nouveau Football Manager revient comme le souvenir d'une madeleine de Proust. Qui aurait cru qu'une suite de 0 et de 1 aurait pu devenir à ce point obsédante?

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