À gauche Sheryl Sandberg, directrice des opérations pour Facebook, à droite Jack Dorsey, patron de Twitter. Tous deux prêtent serment devant le Senate Intelligence Committee lors d'une audition en 2018. | Jim Watson / AFP
À gauche Sheryl Sandberg, directrice des opérations pour Facebook, à droite Jack Dorsey, patron de Twitter. Tous deux prêtent serment devant le Senate Intelligence Committee lors d'une audition en 2018. | Jim Watson / AFP

GAFA: les politiques sifflent la fin de la récré

L'ère du Far West numérique est peut-être en train de s'achever: partout, les politiques veulent imposer de nouvelles régulations aux géants du net.

La tendance était sensible dès 2018, elle se renforce ces dernières semaines. Sans doute quelque peu ébaudis par les pratiques douteuses des GAFA, les scandales quasi-quotidiens concernant leur gestion de nos données personnelles, leur rôle politique conscient ou inconscient devenu trouble, leur très créative capacité à esquiver l'impôt, le fonctionnement cryptique des petits mécanismes logiciels qui organisent désormais notre quotidien, les politiques ont adopté ces dernières semaines une posture ferme et semble-t-il décidée face aux géants du net.

Remettre un peu d'ordre

La fin de la récré est sifflée, l'ère du Far West numérique, des trous juridiques et peut-être des libertés individuelles que cette dérégulation a permises pourrait connaître un important virage: celui de la reprise en main par la puissance publique, de manière concertée et raisonnée ou avec des méthodes un peu plus brutales pour les entreprises concernées comme pour les individus.

Même Mark Zuckerberg, dont la plateforme tient sans doute fermement le record du monde du n'importe quoi généralisé, semble avoir pris conscience que l'omniprésente et toute-puissante chose à laquelle il a donné naissance est en train d'échapper à son contrôle. Lors d'un aveu plutôt rare dans le monde très libertarien de la Silicon Valley, publié sous forme de tribune dans le Washington Post le 29 mars, l'Américain a publiquement demandé une plus grande régulation publique dans quatre domaines –les contenus nocifs, l'intégrité des processus électoraux, la vie privée et la portabilité des données personnelles.

Très active sur ce nouveau front régulateur, la sénatrice américaine Elizabeth Warren, candidate à l'investiture Démocrate pour les élections présidentielles de 2020, n'y va jamais par quatre chemins. Le 8 mars dernier, elle publiait sur Medium une petite bombe programmatique dont la détonation résonne encore dans bien des tympans: «Il est temps de démanteler Amazon, Google et Facebook», annonçait sans ambages le titre de sa tribune.

Poursuivant sa flamboyante offensive, Warren a proposé début avril une loi qui rendrait juridiquement responsables les executives des plateformes responsables de fuites de données personnelles –un cas désormais quasi quotidien. «Quand un criminel vous arrache votre porte-monnaie dans la rue, il va en prison, quand les responsables de petites entreprises trompent leurs clients, ils vont en prison. Mais quand les cadres de grosses compagnies supervisent des fraudes énormes qui touchent des dizaines de milliers de personnes, ils s'en tirent avec des millions de dollars de bonus», a-t-elle écrit, menaçante, dans le «WaPo».

Début avril et alors que la France, notamment, organise sa législation pour essayer de récupérer quelques-uns des euros de taxes que les grandes firmes ont la fâcheuse tendance à ne jamais vouloir payer, Elizabeth Warren a proposé que les GAFA ne soient plus taxés sur les revenus qu'ils déclarent au fisc, souvent bas (voire nuls) après une optimisation aux petits oignons, mais sur ceux qu'ils présentent à leurs investisseurs ou actionnaires. Malin.

Fin de l'irresponsabilité et danger liberticide

Les questions de modération sont également au centre de toutes les attentions. Une partie du monde de la tech panique déjà, sans doute à raison, à l'idée que l'Union européenne (dont la directive sur le copyright a déjà porté un coup aux GAFA) puisse réclamer la mise hors ligne en une heure de tout contenu problématique, illégal ou étiqueté comme terroriste par des êtres humains ou des algorithmes, à tort ou à raison.

Suite à la tuerie de Christchurch, pensée pour être diffusée sur les réseaux sociaux, l'Australie est déjà passée à l'offensive: les plateformes et fournisseurs d'accès sont, depuis le vote d'une loi le 4 avril, déjà légalement et financièrement responsables d'éventuels débordements non contrôlés.

Nombre de pays réfléchissent au même type de régulation, extrême et potentiellement liberticide, mais la Grande-Bretagne est la plus avancée dans son désir de renverser à 180 degrés les perspectives comme la balance des pouvoirs. Dans un «white paper» de 102 pages, un document de travail encore loin d'une législation donc, le gouvernement de sa Majesté propose d'imposer aux compagnies concernées une modération proactive des contenus problématiques ou illégaux, filtrage dont l'échec signifierait pour les cadres de ces firmes de lourdes amendes ou des procès. Un rapport parlementaire ayant décrit les cadres de Facebook comme des «gangsters numériques», le couperet est peut-être plus proche qu'on ne le croit.

D'autres questions, d'apparence plus technique mais tout aussi cruciales pour dessiner le sens de la marche du monde comme de nos vies quotidiennes, commencent également à se poser. Celle des intelligences artificielles et des algorithmes qui nous abreuvent de chansons, séries, publicités, annonces, produits, qui nous tracent et nous dominent, sans que leur fonctionnement ne soit jamais clair, et avec souvent de sérieux problèmes –notamment de discriminations, pour lesquelles certains gouvernements et juridictions sont déjà passés à l'attaque.

Là aussi, une surveillance semble s'imposer et, comme avec le RGPD en 2018, l'Union européenne a pris l'initiative en dessinant les premiers contours d'une stratégie pour conserver les intelligences artificielles dans les clous de l'éthique et de la responsabilité. Une chose que Google, géant de l'IA et géant tout court, a été incapable de faire lui-même.

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