Pas d'intelligence artificielle au service de la guerre. En juin 2018, Sundar Pichai, PDG de Google, l'a promis. Il faut dire que la firme de Mountain View était en pleine polémique: elle avait reçu quinze millions de dollars du Pentagone pour sa participation au projet Maven, qui visait à identifier automatiquement des cibles pour les frappes de drones.
L'engagement a été tenu, mais cela n'a pas empêché la maison-mère de l'entreprise, Alphabet –également dirigée par Sundar Pichai depuis 2019– d'investir dans des startups qui collaborent avec le Pentagone ou le renseignement américain. Notamment via Google Ventures, sa structure de capital-risque.
En 2016, Alphabet a par exemple pris des parts dans Orbital et Planet, des entreprises de renseignement géospatial, ou GEOINT, qui collaborent notamment avec le Pentagone (30,5 millions de dollars de contrats ces trois dernières années) et les agences de renseignement américaines.
De l'humanitaire aux frappes de drones
Orbital est valorisée à 480 millions de dollars [393 millions d'euros] dont 13% détenus par Google Ventures. Si elle a utilisé son savoir-faire dans le cadre de projets d'ONG, peu lucratifs, elle s'est rapidement tournée vers le Pentagone et les agences de renseignement américaines pour gagner de l'argent.
Elle a notamment reçu dix millions de dollars pour travailler sur le programme Datahub, qui vise à surveiller les ennemis du Pentagone afin de pouvoir déclencher, par exemple, des frappes chirurgicales. Selon un ancien salarié, l'entreprise est passée du «sauvetage de chimpanzés en Indonésie» à «la recherche de cibles en Afghanistan».
Planet est valorisée à 1,8 milliard de dollars (1,48 milliard d'euros) dont 13% détenus par Google Ventures. Elle déploie notamment les satellites Dove, qui surveillent l'ensemble des terres émergées et une grande partie des océans. Elle aussi travaille à la fois pour des ONG, le secteur privé et... les agences militaires et de renseignement américaines.
«Au départ, ils étaient très altruistes. Ils lançaient des satellites pour le bénéfice de tout le monde dans le monde. Puis, ils ont découvert qu'en fait, les seules personnes qui veulent vraiment payer beaucoup d'argent pour les données satellitaires sont les gouvernements», analyse, amer, un ancien employé.