Les règles ont changé. Sur le tapis rouge des Oscars, les stars se sont mises au vert. Léa Seydoux, habillée par Louis Vuitton, était vêtue d'une longue et moulante robe blanche fabriquée en faille de soie bio écoresponsable, certifiée par l'organisme Red Carpet Green Dress.
Ce qui n'est pas une première pour l'actrice française commence doucement à devenir une norme: l'industrie de la mode, mise sous pression par les changements de mœurs et l'opinion publique, se drape des atours de l'écologie et de la responsabilité environnementale –quitte à ce que cela ne soit qu'en apparence.
Mais la mode ne se joue plus uniquement sur les tapis rouges. Sur Instagram, YouTube et les diverses plateformes sociales, les green influencers mêlent allègrement la mode aux questions environnementales. Un virage vers de nouvelles pratiques de consommation encore limité, mais bien réel.
Tapis rouge au virage vert
Venetia La Manna le dit elle-même dans la bio de son compte Instagram: elle est une «hypocrite en voie de guérison». Cette Londonienne d'une trentaine d'années, forte de 72.600 abonné·es sur la plateforme de partage de photos, est une amoureuse de mode, raconte le magazine Elle.
Créatrice d'une page Facebook et d'un podcast consacré à la slow fashion –entendre écoresponsable–, elle s'applique à raconter à ses followers comment vivre leur passion de manière plus verte. L'activiste autoproclamée a par exemple organisé son propre mariage avec zéro déchet, comme elle le raconte sur YouTube.
Dans ses publications, elle explique aussi comment vivre avec des produits issus de circuits courts, enchaînant les critiques contre certaines entreprises peu respectueuses de l'environnement, notamment ici aux côtés du groupe Extinction Rebellion.
Comme elle, nombre d'influencers anglophones se sont mis·es à la mode durable. En France, la première représentante du genre est probablement la blogueuse Coline, qui culmine à plus de 343.000 followers sur Instagram.
Bien que sa chaîne YouTube parle de sujets divers et variés et pas seulement de mode éthique, elle annonçait dans un article en 2019 essayer de rendre sa consommation plus «planète-sympa» en se basant sur trois axes: «les marques (plus) éthiques», «le seconde main» et «porter mes fringues».
On retrouve aussi quantité de micro-influenceurs (entre 10 et 50.000 followers) qui se convertissent au #thrifted, #sustainablefashion ou #slowfashionmovement, à l'image des Françaises Nawal Bonnefoy ou Alias Louise. Un changement de paradigme très perceptible par le contenu des pages, qui se rapprochent presque du «manifeste pour une nouvelle consommation», comme le notait le site Mode in textile dans un article sur le sujet.
En décembre 2019, le magazine américain Fashionista notait ainsi que l'utilisation du hashtag #sustainablefashion avait quintuplé depuis 2016, selon des chiffres de la start-up française Heuritech. Un succès qui se retrouve aussi dans les recherches Google, où le nombre de liens «top green influencers» a explosé. Une recherche des termes «sustainable fashion» sur Google Trends nous a aussi permis de confirmer l'explosion, ces trois dernières années, de l'intérêt pour cette tendance.
Recherche Google Trends. | Capture d'écran
Changer la mode, changer le monde?
La question est de savoir comment vivent ces influenceurs et ces influenceuses, puisque tout l'écosystème d'Instagram repose sur les partenariats rémunérés avec des marques.
Venetia La Manna, qui vit de son activité sur les réseaux sociaux à plein temps, explique à Elle ne travailler qu'avec des marques qui «s'alignent avec ses propres valeurs». Elle a ainsi collaboré avec The Body Shop, une chaîne de magasins de cosmétiques qui, bien que n'étant pas zéro déchet, utilise du plastique recyclé et offre la possibilité à ses client·es de revenir avec leurs bouteilles vides. Elle refuse aussi de voyager par avion pour se rendre à des événements organisés par des marques.
Un petit passage sur la page d'Alias Louise, dont le contenu est clairement moins engagé, nous permet de constater que ses posts sponsorisés sont liés soit à des marques écoresponsables, soit à des gammes durables. Un engagement qui semble un brin limité en regard du business model de la jeune femme, mais qui a le mérite d'exister sur une plateforme où la consommation est reine.
Ce virage influence-t-il l'industrie de la mode ? Dans une étude, le moteur de recherche Lyst, spécialisé dans le luxe, soulignait une augmentation de 66% de l'utilisation des termes liés à la mode écoresponsable –de «vegan fashion» à «marques éthiques».
«Que ce soit volontairement ou non», les modèles d'Instagram ont «doucement éduqué leur communauté à parler plus ouvertement du sujet», affirmait à Fashionista Morgane Le Caer, membre de l'équipe éditoriale du site, soulignant le «rôle non négligeable» des influenceurs et des influenceuses.
Et les marques suivent. En 2019, H&M a lancé sa «Conscious Collection», une ligne de vêtements «socialement et écologiquement durables», tandis que Zara s'est engagé à n'utiliser que des matériaux responsables d'ici à 2025.
Une fois de plus, on s'interroge: n'est-ce éthique que sur l'étiquette? Ces marques ne s'engageraient-elles pas sur le terrain de l'écoresponsable que pour rejoindre, un peu en retard, le train de la hype? À l'approche de la Fashion Week de Paris, c'est la critique légitime qu'adressent nombre d'associations à l'industrie.