En mars 2019, internet a eu 30 ans. Une bougie qui a fait de l'ombre à un autre jalon d'importance pour l'histoire du web: 50% de la population mondiale est en ligne d'une manière ou d'une autre.
Pour Quartz, le principal inventeur du world wide web, Tim Berners-Lee, est revenu dans une interview sur la belle histoire du web –ses dix premières années de blogs, l'aventure Wikipédia, la collaboration sur GitHub, etc.
Il a surtout évoqué les possibilités dont nous disposons pour infléchir la direction qu'est en train de prendre internet et le rendre meilleur.
Bulles et complots
«J'avais ce rêve utopique que la “bonne” connaissance deviendrait omniprésente», raconte le Britannique. «Je suppose que nous avons été surpris lorsque nous avons réalisé que, pour tous les groupes de personnes qui prenaient soin de leurs marque-pages sur Wikipédia et nous aidaient à le rendre meilleur, il y avait un nombre égal de personnes, quelque chose comme 48% du monde, qui en fait croyaient en toutes sortes de théories du complot. […] Tout le monde n'est pas dans le même genre de bulle. C'était un choc.»
Le web est anthropogénique: il est construit par les êtres humains. Les chercheurs qui ont créé le web et ses premiers adeptes n'étaient qu'une partie de la population –non représentative, donc non équipée pour parfaitement anticiper des situations telles que l'imbroglio politique de Cambridge Analytica.
À mesure que la population qui accède à internet augmente et se diversifie, les possibilités sont infinies. «Il y a toujours quelqu'un en train de concevoir un nouveau système, ajoute Tim Berners-Lee, avec une encore meilleure idée qui fera du monde un lieu encore meilleur.»
Politique collaborative
Son idée serait d'avoir par exemple un équivalent de Wikipédia en politique. Des sites modérés, dont le contenu est sélectionné et contrôlé avec attention pour permettre une conversation respectueuse, reponsable, ouverte entre des internautes de différents bords politiques, de différentes cultures et de différentes langues.
Pourquoi pas un site administré par les Nations unies? «À l'avenir, j'espère que nous aurons de grands procédés pour décider en quoi croire, explique le chercheur, mais aussi de grands procédés pour décider quoi faire.»
Cette réflexion doit aussi prendre en compte la seconde moitié de la population –celle qui n'est pas encore sur internet. «Quand ces 50% de personnes en ligne deviendront 80%, des questions complètement différentes émergeront-elles? Les 20% restants seront-ils de plus en plus à l'écart du reste de la population? Pourquoi les gouvernements et les entreprises devraient-ils prendre la peine de s'occuper des 20% qui ne prennent pas la peine de se connecter, ou vont en ligne et ne peuvent pas lire? Il n'y aura rien de disponible pour eux si nous ne sommes pas vigilants.»
Et dans trente ans, il espère que nous pourrons raconter aux enfants: «Vous n'allez pas le croire, mais quand vous étiez petits, nous n'avions pas [l'internet que vous avez]. La politique était une catastrophe. N'allez même pas regarder, c'était horrible.»