En 2019, 65% des familles françaises jouent ensemble aux jeux vidéo, et elle le font huit fois par mois en moyenne, selon une étude Opinium réalisée pour Microsoft. Le gaming est même dorénavant davantage pratiqué que le sport ou les jeux de société, qui réunissent parents et enfants seulement cinq fois par mois.
Cette nouvelle habitude constitue un changement profond des mentalités, dont les motivations sont diverses: 69% des parents pensent que cela les aide à mieux comprendre leurs enfants et 68% estiment que jouer dans un cadre familial leur permet de se sentir en phase avec la culture populaire.
Le jeu vidéo est considéré comme une expérience ludique et participative, qui soude les liens familiaux et facilite la communication entre proches. Cette approche générationnelle semble en outre être une façon pour mieux protéger les enfants des effets nocifs des écrans, et notamment des phénomènes d'addiction.
Qu'en est-il réellement? Les réponses d'Ina Gelbert, directrice de Xbox France et de Vanessa Lalo, psychologue spécialisée dans les jeux vidéo.
Les jeux vidéo s'adressent aujourd'hui à toutes les tranches d'âge. Est-ce un phénomène nouveau?
Ina Gelbert: En effet. Désormais, c'est un loisir qui intéresse réellement tout le monde. Avec le multijoueur, une pratique collective s'est mise en place au sein de la cellule familiale. La télévision domine encore, mais le jeu vidéo, propice aux interactions et aux échanges, est en très bonne position dans les loisirs des Français. Les familles y jouent en moyenne deux fois par semaine.
Certains jeux s'y prêtent-ils plus que d'autres?
Ina Gelbert: Minecraft est l'exemple parfait du jeu générationnel. Les enfants y jouent, et il est également fortement plébiscité par les adultes. Jouer est perçu comme un moyen de créer du lien entre parents et enfants. Ce qui est important pour Microsoft, c'est que nos plateformes permettent à tout le monde d'évoluer dans un univers sécurisé.
Avec le multijoueur, une pratique collective s'est mise en place au sein de la cellule familiale. La télévision domine encore, mais le jeu vidéo est en très bonne position dans les loisirs des Français.
La dimension familiale de la pratique permet-elle de mieux réguler le temps que les enfants passent devant leur console?
Ina Gelbert: Le fait que les parents soient des gamers facilite l'entrée du jeu vidéo dans les foyers français. Ils peuvent garder un œil sur les jeux auxquels leurs enfants jouent, mais aussi en discuter avec eux et s'assurer qu'ils sont en sécurité.
Nous mettons en place des paramètres pour restreindre les temps d'écran, encadrer le contenu ainsi que les personnes avec lesquelles les enfants peuvent rentrer en contact. Il faut délimiter l'usage du jeu vidéo pour que ce ne soit plus un sujet de craintes et de disputes. C'est une réponse efficace que nous apportons aux parents.
Jouer en famille limite-t-il l'addiction aux écrans?
Vanessa Lalo: Sur la question de l'addiction, rappelons qu'il n'y a pas de consensus, même si l'OMS a récemment reconnu la notion de «gaming disorder», c'est-à-dire les troubles liés aux jeux vidéo. Il y a en revanche des mécanismes d'économie de l'attention et d'excès compulsifs. En réalité, nous sommes tous hyper consommateurs du numérique, mais avec des supports et des contenus différents.
Se mettre d'accord en famille et instaurer un pacte de confiance est une bonne chose, la pratique la plus excessive étant à chercher du côté des adultes. Ce qui compte pour les enfants, c'est le temps passé dans une activité constructive. Mais il faut qu'il y ait une continuité éducative. Il est indispensable de s'intéresser à ce que font les enfants pour poser un cadre cohérent; l'outil technique ne remplace pas l'éducation.
Certaines études montrent que les jeux vidéo peuvent être utiles dans la lutte contre l'anxiété et la dépression...
Vanessa Lalo: Un jeu peut avoir un effet thérapeutique sans avoir été conçu pour, tout dépend du cadre qu'on y met. Tous les jeux vidéo, aussi débiles soient-ils, peuvent être un outil d'apprentissage: apprendre à réussir et à perdre, à réessayer sans se décourager... À force d'échouer, les joueurs finissent toujours par réussir: c'est très positif pour l'estime de soi. Après, un enfant qui passe beaucoup trop de temps devant un écran ne va pas bien; c'est généralement le symptôme d'un problème, une dépression ou une phobie sociale.
Ina Gelbert: C'est un sujet dont nous nous sommes emparés. Nous travaillons actuellement sur un projet portant sur les maladies mentales, dont la dépression. Il y a notamment le jeu Hellblade, qui traite de cette question de manière romancée. Nous prévoyons d'aller plus loin et de collaborer directement avec des spécialistes.
De façon plus générale, un certain nombre d'évolutions ont lieu actuellement, notamment sur la place des femmes dans les jeux vidéo. De plus en plus, nous abordons des sujets sociétaux dans un but éducatif. La famille a désormais une place prépondérante, et l'idée est de continuer à créer du lien entre les parents et les enfants. Ce n'est que le début.