Après la révolution emmenée par Fidel Castro, la CIA tente sans succès de renverser le pouvoir cubain, ce qui pousse l'île à s'allier avec l'URSS. Les Soviétiques en profitent pour y poster des missiles, à la suite de quoi Kennedy impose un blocus qui mène à un bras de fer entre les deux puissances atomiques, finalement désamorcé sans violence.
La crise des missiles de Cuba a déjà été disséquée et analysée dans tous les sens, notamment parce qu'elle est considéré comme l'un des instants de l'histoire où la planète est passée le plus près d'une guerre nucléaire.
Comme le rappelle Ars Technica, un aspect moins connu de ce conflit s'est joué à des milliers de kilomètres des Caraïbes. Dans le troisième tome de son livre Les fusées et les hommes, qui relate l'odyssée aérospatiale soviétique, l'ingénieur Boris Tchertok raconte comment tout a failli basculer à Baïkonour.
Proche collaborateur du père du programme spatial soviétique Sergueï Korolev, Tchertok offre un témoignage particulièrement précieux –ses ouvrages ont même été traduits par la NASA. En octobre 1962, Boris Tchertok se trouve au cosmodrome de Baïkonour, où il prépare les lancements successifs de trois fusées vers Mars.
Le timing est alors primordial: l'alignement des planètes permettant d'envoyer la fusée dans l'orbite martienne ne dure que du 24 octobre au 4 novembre. Le premier tir est un échec, ne laissant aux scientifiques que quelques jours et deux tentatives supplémentaires.
Alerte à Baïkonour
Mais alors que la seconde fusée doit décoller le 29 octobre, Kennedy annonce son blocus le 22. L'ingénieur raconte que lorsqu'il arrive au travail le 27 octobre, à la place du planton habituel, la base est gardée par tout un groupe de soldats, et que des dizaines d'autres ont pris place sur les toits.
L'officier chargé du personnel militaire de Baïkonour lui annonce que la mission martienne est reportée: c'est désormais un missile R-7A armé d'une tête nucléaire qui occupe le pas de tir. Le cosmodrome a ordre d'armer le projectile, de le pointer vers sa cible (New York ou Washington, selon Tchertok) et d'attendre l'ordre de tir.
Immédiatement, et bien qu'il lui ait été affirmé qu'il était impossible de joindre le Kremlin, Tchertok se précipite sur un téléphone afin de contacter Sergueï Korolev. Korolev lui assure qu'il fait son possible pour annuler la préparation du tir nucléaire et ne pas manquer la fenêtre martienne, qui ne reviendrait que deux ans plus tard.
Peu de temps après, la situation se débloque soudainement et les scientifiques reçoivent l'autorisation de replacer leur fusée sur le pas de tir, afin de préparer le voyage vers Mars.
Plutôt qu'une attaque capable de faire basculer le monde, c'est donc bien un projet scientifique qui a décollé le 1er novembre 1962, et a saisi les première photographies de la surface de la planète Mars. Il n'a hélas pas pu les rapporter sur Terre, les scientifiques ayant perdu le contact avec leur sonde quelques mois avant son arrivée à destination.