Comme ses voisines baltes l'Estonie et la Lituanie, la Lettonie est l'une des nations européennes consacrant le plus d'énergie et de finances au soutien militaire à l'Ukraine dans sa résistance à l'envahisseur russe.
Se sentant sous la menace immédiate des visées impérialistes de son imposant voisin, Riga se démène ainsi pour fournir directement à Kiev des armes et systèmes de défense de nombreux types. Notamment des défenses antiaériennes Stinger, des hélicoptères et canons, des drones (notamment un Bayraktar TB2 financé par la population elle-même) ou plus récemment des radars.
Au total et selon les calculs du Kiel Institute for World Economy, groupe de réflexion basé en Allemagne, la petite république balte a consacré ces derniers mois plus de 310 millions d'euros pour aider l'Ukraine, soit 0,98% de son PIB. C'est considérable et, en proportion de sa richesse nationale, cela en fait le second donateur le plus généreux (derrière l'Estonie).
Et ce n'est pas fini. En sus des chars, canons et appareils volants, et comme l'explique le New York Times, la Lettonie a décidé d'envoyer une aide à la source beaucoup plus originale: les véhicules personnels saisis à des conducteurs ou conductrices ayant pris la route sous l'emprise de l'alcool.
Highway to hell
Un premier de ces convois de Volvo, Toyota et Peugeot chipées à d'indélicats chauffards —et devenues, par la loi, la propriété de l'État letton– est déjà parti pour l'Ukraine, comme l'a montré en photos le récent post Facebook de l'administration fiscale du pays.
«C'est un soutien important à l'Ukraine, explique un communiqué officiel du gouvernement de Riga, car chaque véhicule envoyé au front se traduit par des vies sauvées.» Transmises aux bons soins de l'opération dirigée par Reinis Poznaks, fondateur d'une association nommée Tviterkonvojs («Convoi Twitter»), les autos sont ensuite transbahutées par camions vers des unités de l'armée ukrainienne, un hôpital à Vinnytsia (au centre-ouest du pays) ou une association médicale à Koupiansk (dans l'est, à une centaine de kilomètres de Kharkiv).
«Personne n'aurait imaginé que tant de gens conduisent leurs véhicules sous l'emprise d'alcool. Et ils ne peuvent pas les vendre aussi rapidement que les personnes qui boivent [et se font de plus en plus arrêter en état d'ébriété, ndlr]. C'est pourquoi j'ai eu cette idée, de les envoyer en Ukraine», a expliqué Reinis Poznaks à Reuters, faisant référence à l'administration fiscale lettone.
Celle-ci a déjà récupéré plus de 200 véhicules en seulement deux mois. Ils ont été saisis à des chauffards pris au volant avec plus de 1,5 gramme d'alcool par litre de sang. C'est, depuis novembre 2022, la limite nationale au-delà de laquelle la sentence peut tomber en cas de rencontre avec le ballon. Si la justice le décide, la voiture peut donc être accaparée par l'État letton. Et son conducteur ou sa conductrice n'a pas son mot à dire.
Reinis Poznaks et ses bénévoles vont avoir beaucoup de travail ces prochaines semaines. Les autorités de Riga lui ont promis plus d'une vingtaine d'automobiles par semaine, dont il doit s'occuper du transfert vers l'Ukraine.
Latvijas ceļos nesprāgušie “kamikadzes droni”. Šie nav pat 5% no visiem konfiscētajiem. Cik vēl ir nepieķerto? Ir forši palīdzēt Ukrainai, bet tas potenciālo slepkavu daudzums uz ceļiem ir reāli biedējošs. 1,5 + promiles. pic.twitter.com/ekSiKukfkS
— UkReinis Pozņaks (@poznaks) March 8, 2023
C'est une gymnastique qu'il connaît néanmoins bien. En dehors de ces saisies pour raisons d'alcoolémie, son association y a déjà envoyé plus d'un millier de véhicules, directement offerts par de généreux Lettons ou achetés grâce à des donations.
Reinis Poznaks explique que ces dons à l'Ukraine de leurs anciennes voitures sont presque devenus un réflexe, voire une tradition, pour les personnes faisant l'acquisition d'une auto flambant neuve.