«Merci Adriano & Vincent de “AnS Brasil” pour ce lissage qui répare les cheveux et va donc me permettre de gagner de précieuses minutes avant chaque matinale.» C'est le message surprenant posté par Marlène Schiappa sur son compte Instagram dimanche, et accompagné d'une vidéo montrant le résultat.
Marlene Schiappa fait des placements de produits sur Instagram, je crois qu'on ne peut plus rien faire à ce niveau. pic.twitter.com/zfvqLb0RhQ
— Sharnalk (@DalilBoubakeur) January 3, 2021
Le post a rapidement suscité la polémique, la ministre se trouvant accusée de placement de produit (non déclaré), voire de conflit d'intérêts.
En guise de défense, son équipe a passé le compte en privé et évoqué un piratage. Peu crédible –comme l'ont fait remarquer certains internautes– étant donné que la vidéo a été visiblement tournée au domicile de Marlène Schiappa, et qu'elle y apparaît.
Ce qui est bête c'est que la ministre en question a posté sur son compte facebook une série de photos où on reconnaît le sapin et la porte. https://t.co/9JU9f9OB3c https://t.co/VqinKZM9uV
— Valerio Motta (@valeriomotta) January 3, 2021
S'agit-il d'une véritable situation de conflit d'intérêts? La ministre a-t-elle outrepassé la loi ou la déontologie? La question est plus complexe qu'il n'y paraît.
Pas interdit, mais pas terrible
Selon la loi du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique, «Les membres du gouvernement [...] exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêts. [...] Constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction», rappelle en la citant Jean-François Kerléo, directeur scientifique de l'Observatoire de l'éthique publique.
Selon le chercheur, il est toutefois incertain que la vidéo de Marlène Schiappa constitue un conflit d'intérêts, tant qu'il n'est pas démontré qu'elle a été, par exemple, rémunérée pour cette vidéo, ou qu'elle possède des parts dans le salon par exemple.
A priori donc, pas d'illégalité pour le moment. En revanche, cela pose question sur le plan de la déontologie.
Comme cela a été évoqué lors d'une question à l'Assemblée nationale, «Les membres du gouvernement nommés depuis mai 2017 signent à l'occasion de leur nomination un engagement sur l'honneur d'intégrité et de moralité. [...] Ils s'engagent à exercer leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêts.»
Au-delà du conflit d'intérêts, que Marlène Schiappa a tenu à démentir par la voix de son avocate, ce sont donc les principes déontologiques de «dignité, probité et intégrité» qui pourraient avoir été outrepassés par la ministre.
Un échec de compol
«On est en pleine confusion des genres. C'est la séparation entre les intérêts publics et les intérêts privés qui différencie les démocraties des régimes corrompus. Ça rappelle un peu l'utilisation faite par Trump et ses proches de la fonction présidentielle pour faire de la publicité à certaines entreprises», juge sévèrement Philippe Moreau Chevrolet.
Selon le dirigeant de MCBG Conseil, sur le plan de la communication politique, la légèreté de Marlène Schiappa sur les réseaux sociaux produit un effet désastreux, alors que le gouvernement est impopulaire et que le pays fait face à une crise sans précédent.
«S'inspirer du style des influenceurs pour communiquer n'est pas forcément mal en soi mais il faut quand même garder sa position de personne publique et surtout politique. Les formats informatifs de certains créateurs de contenu peuvent être intéressants à reproduire par les responsables politiques, peut-être moins le placement de produit du dernier thé minceur qu'ils ont bu», analyse quant à elle Marine Montironi, responsable de l'influence pour l'agence We Are Social France.