Originaires du Laos, du Vietnam et du sud de la Chine, les Hmong forment une communauté réduite: à l'échelle de la planète, leur nombre était estimé en 2013 entre 4 et 5 millions de personnes.
Entraîné·es par les États-Unis et la CIA dans le conflit vietnamien lors de la Secret War, encore réprimé·es aujourd'hui, beaucoup de Hmong ont dû fuir leurs régions d'origine et émigrer, notamment aux États-Unis (260.000 personnes en 2014) et en France (16.500 individus en 1999).
Comme le raconte un article de The Verge, les Hmong forment une minorité malmenée, éclatée, qui ne peut que rarement compter sur des médias lui étant dédiés et dont les premières générations d'immigrant·es ne maîtrisent pas forcément la langue du pays de destination.
Grâce à des moyens technologiques rudimentaires, ce peuple a néanmoins réussi à créer son propre paysage médiatique: un lien précieux pour des individus éloignés les uns des autres, un espace important d'échange et de discussion, un moyen efficace pour préserver, dans l'adversité, une culture et une langue ancestrales souvent ignorées par la recherche.
Gratuit, simple et participatif
Grâce à des logiciels de conférences téléphoniques, d'accès simple et souvent gratuits, les Hmong ont ainsi créé une forme de radio pirate, invisible à quiconque ne fait pas partie de la communauté mais très prisée par ses membres.
Les numéros des lignes en question s'échangent sur Facebook ou grâce au bouche-à-oreille. Leurs gestionnaires les ouvrent généralement 24 heures sur 24, laissant à des «DJ» le soin d'animer leurs différents segments –de la chanson Hmong traditionnelle aux discussions générales sur la communauté, des débats d'actualité aux hommages aux parents éloignés ou disparus.
Sans même posséder de smartphone, n'importe qui peut accéder aux émissions en simple auditeur ou auditrice; en appuyant sur un simple bouton, il est également possible d'intervenir dans la discussion. Des systèmes de filtrage et de files d'attente sont mis en place pour que le DJ puisse maîtriser le flux des appels.
Selon Lori Kido Lopez, chercheuse à l'université du Wisconsin à Madison qui a étudié la question, il n'est pas rare que les conférences les plus populaires regroupent simultanément 500 à 1.000 personnes.
«On s'intéresse si peu à la communauté Hmong car elle est si petite, commente la spécialiste. Cela signifie qu'elle a dû innover pour contourner toutes les inégalités dont elle souffre et trouver un moyen de faire ce que nous faisons naturellement.»
Le système ne peut tenir que grâce à la motivation sans faille de ses animateurs et animatrices, et il n'est pas rare que des lignes disparaissent, faute de temps ou de participant·es.
The Verge note également que comme ailleurs, la désinformation n'est pas absente de ces médias et que les émissions animées par des femmes souffrent d'un manque de crédibilité à mettre sur le compte d'un sexisme atavique.