Ultra-dépendance aux énergies fossiles, augmentation drastique des émissions de gaz à effet de serre, montée des eaux et fonte du permafrost. Ces menaces planent autour de nous, de façon exponentielle, depuis plus de deux décennies, sans que nous ne parvenions - ou ne voulions - réellement regarder en face ce qu’elles signifient et leur impact sur notre quotidien et celui de nos descendants.
Prise de conscience essentielle
C’est à ce travail essentiel et nécessaire - affronter les réalités et la cause de la crise climatique déjà en cours - que se sont attelés de concert l’auteur de bande dessinée Christophe Blain (auteur notamment de la série Quai d’Orsay et double lauréat du prix du meilleur album au Festival d’Angoulême) et l’ingénieur, spécialiste des questions énergétiques et de leur impact sur l’environnement, Jean-Marc Jancovici.
Dans l’album Le Monde sans fin, miracle énergétique et dérive climatique, dont ils cosignent le scénario, les deux hommes se représentent, incarnant leur propre rôle. Au fil des pages, le dessinateur se livre à une discussion de plus en plus alarmée avec Jean-Marc Jancovici qui lui explique avec sang-froid, humour et lucidité, les tenants et aboutissants de la catastrophe écologique qui frappe notre planète.
Un ouvrage qui s’impose déjà comme une référence pour prendre conscience, avec simplicité et exigence, des enjeux qui menacent notre survie collective en tant qu’habitant.e.s de la Terre. Refusant de rester dans le constat, il propose aussi des ouvertures pour changer de mode de vie à toutes les échelles.
L’énergie au cœur des enjeux climatiques
Au commencement était l’énergie. Celle qui nous permet de nous lever chaque matin et nous mouvoir afin d’accomplir nos tâches quotidiennes. Durant des siècles, explique le tandem Blain-Jancovici, cette énergie nous était apportée par la nourriture issue des récoltes, puis de l’élevage ou bien du bois utilisé pour se chauffer. Durant des siècles, l’activité humaine, en dehors des élites urbaines, se restreignait à la survie en milieu rural. L’homme œuvrait toute la journée pour s’auto-suffire et s’écroulait, vidé de toutes forces, après une dure journée de labeur physique. Dépourvu de soins et de confort, il vivait tout au plus une trentaine d’années.
Tout bascule avec l’arrivée de l’ère dite industrielle, lorsque l’humain apprend progressivement à maîtriser les sources d’énergie, non seulement issues du bois, mais aussi du charbon, puis du pétrole ou du gaz. Loin de se substituer les unes aux autres, ces consommations énergétiques et les pollutions associées s’accumulent. Le nucléaire et les énergies dites renouvelables s’y adjoignent, véhiculant leur lot de déchets et de moyens énergétiques.
L’humain vivant dans les pays dits développés du XXIème siècle est couplé en permanence à une multitude de machines, qui décuplent ses capacités de transport, de communication ou de consommation, en lui coûtant un effort minime. C’est, expliquent Blain et Jancovici, comme un costume d’Iron Man dont nous ne serions plus capables de nous passer, en dépit des alertes de plus en plus tangibles que nous recevons de la part de notre planète Terre, incapable de supporter un pillage aussi intensif de ses ressources.
Si nous ne réagissons pas rapidement, Jean-Marc Jancovici est formel, le réchauffement, associé aux pénuries et catastrophes climatiques, entraînera son lot de déplacements, de famines de masse et de guerres et rendra rapidement la planète inhabitable.
Comment résister à notre striatum?
Les deux auteurs soulèvent constamment un paradoxe. Nous sommes informés des enjeux climatiques depuis plusieurs années, nous observons déjà les conséquences de la crise sur nos villes, nos littoraux et nos campagnes, nous savons que la consommation générée par l’utilisation incontrôlée d’internet est l’une des plus énergivores de la planète. Mais nous sommes incapables de cesser de scroller compulsivement sur Instagram.
C’est la faute d’un compagnon atavique, niché sous notre cortex: le striatum. Adjuvant à notre survie, il est le moteur de nos désirs et de nos dépassements. Et, chaque fois que nous assouvissons nos désirs, il nous récompense en sécrétant de la dopamine, l’hormone addictive du plaisir. C’est en partie pourquoi nous sommes incapables de résister à la tentation d’observer nos notifications à longueur de journée - les ingénieurs de la Silicon Valley l’ont bien compris.
Un changement radical de nos modes de vie
Heureusement notre cortex circulaire nous permet aussi en même temps d’appréhender les dangers qui nous guettent. Ce qui expliquerait, malgré le déni rassurant et le confort dont nous bénéficions, que nous soyons de plus en plus nombreux à ressentir une éco-anxiété galopante. Et que nous ayons envie d’agir.
Car il existe des solutions pour sortir de l’impasse climatique. Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain proposent quelques entrées thématiques parmi d’autres (logement, alimentation, transports) pour changer la façon individuelle et collective dont nous endossons notre costume d’Iron Man.
Bien entendu, certaines de ces mesures obligent à modifier radicalement notre mode de vie. Mais, soyons en certains, à l’issue de la lecture de cet ouvrage pédagogique et éclairant, notre survie et celle des autres occupant.e.s humains et non-humains de la Terre en dépend.
Crédits visuels: Dargaud