Vladimir Poutine peut montrer les dents et bander les muscles, il semble de plus en plus clair que le Kremlin –comme les autorités de Moscou– n'ont plus rien de la force tranquille certaine d'écraser et mettre à sa botte en quelques mois le faible voisin ukrainien.
On sent au contraire parfois comme un léger vent de panique du côté des autorités russes. Et cela n'a rien d'étonnant: après de très jolis coups contre des bases aériennes installées au plus profond des territoires du voisin-envahisseur, l'Ukraine mène des attaques de plus en plus hardies dont certaines, récentes, se sont échouées à quelques dizaines de kilomètres de la capitale russe.
Ajoutons à cela la carte de la ville subrepticement (mais sans doute fièrement) affichée dans le bureau de Kyrylo Boudanov, chef du renseignement de Kiev, lors d'une interview donnée à la chaîne américaine ABC en tout début d'année: il y a de quoi se préparer à toutes les éventualités, même celles qui auraient pu paraître délirantes il y a quelques mois à peine.
Map of Moscow in Budanov's office.
— MAKS 22🇺🇦 (@Maks_NAFO_FELLA) December 31, 2022
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C'est par ailleurs ce qu'ont commencé à faire, il y a quelques semaines, les autorités russes et moscovites. En provoquant une certaine hilarité du côté ukrainien, elles commençaient à hérisser les toits de certains bâtiments importants de la capitale du pays de systèmes anti-aériens lourds, des Pantsir-S1, car on n'est jamais trop prudent.
Russia has placed Panstir-S1 air defense systems on top of an administrative building in Moscow (55.74542, 37.65135) and the Russian MoD’s National Defense Management Center (NTsUO) on the Frunzenskaya Embankment. https://t.co/WlAM7QZlej pic.twitter.com/UG4yFv6tvX
— Rob Lee (@RALee85) January 19, 2023
Pantsir-S1 #Moscow #Pantsir pic.twitter.com/T5BoImeAEH
— Giant Military Cats (@giantcat9) January 19, 2023
On rase gratis
Ces premières défenses ne constituaient semble-t-il que le cercle le plus central d'une organisation concentrique beaucoup plus vaste, décrite par la publication russe indépendante The Insider dans une longue enquête parue le 13 mars.
Et il semble qu'en la matière, la Russie n'y soit pas allé par quatre chemins. Dans plusieurs faubourgs de Moscou, parfois à proximité immédiate de hauts bâtiments d'habitations, ce qui pourrait se révéler pour le moins problématique, les autorités du cru rasent des forêts entières ou s'accaparent des espaces naturels supposément protégés pour y installer des systèmes S-400 et les radars leur étant associés.
Au grand dam des écologistes ou habitants des coins concernés, les pelleteuses, tronçonneuses et engins diversement compatibles avec la tranquillité de la nature comme de l'esprit ont déboulé en masse et œuvré en quelques semaines pour faire place nette à ces engins défensifs.
L'une de ces installations a ainsi été installée dans un champ de l'université agricole de Moscou, l'Académie Timiryazev. Un autre de ces S-400 a nécessité de vastes coupes dans le Parc national de Lossiny Ostrov, une réserve naturelle surnommée l'«île aux élans».
Pour les mêmes raisons, une trouée a été faite dans des centaines de vieux mélèzes du parc forestier Izmaïlovski, et l'ancienne (et gigantesque) décharge à ciel ouvert de Salaryevo, sur laquelle des pistes de ski auraient dû être créées, a également reçu sa batterie anti-aérienne.
⚡️Moscow authorities have started cutting down forests to deploy air defense systems in the Russian capital, according to an investigation by The Insider. pic.twitter.com/BSYpIOndYA
— KyivPost (@KyivPost) March 13, 2023
Mais des images montrées par The Insider, visibles pour certaines dans le tweet ci-dessus, ce sont celles concernant le parc de Kolomenskoye, classé à l'Unesco, qui effraient le plus les âmes sensibles. Ce sont ainsi plus de 100 hectares d'arbres d'essence parfois rare qui ont été brutalement ratiboisés juste en face de l'église de l'Ascension, dans la municipalité du même nom.
Mise à nue, dénuée de toute vie, la terre y sera recouverte de bitume afin d'accueillir des systèmes d'armements et installations diverses, certaines ayant plus à voir avec l'appétit immobilier des autorités moscovites qu'avec les impératifs sécuritaires de la défense russe.
The Insider note que la protection du patrimoine culturel en temps de guerre est une obligation internationale selon la Convention de La Haye. Ça tombe bien, puisque la Russie n'est officiellement toujours pas en guerre –ce qui ne l'empêche pourtant pas de craindre que quelques bombes ou drones ne lui tombent sur la tête.