En juillet 2020, une enquête parlementaire sur les soupçons d'ingérence russe dans les élections a été publiée. Moins commentée, une partie du rapport met en lumière l'influent réseau d'avocat·es, de comptables et d'agents immobiliers agissant pour le compte de Moscou au cœur de la capitale britannique.
«Les gouvernements successifs ont accueilli les oligarques et leur argent à bras ouverts, en leur fournissant un moyen de recycler les financements illicites à travers une grande “laverie”, et des connexions au plus haut niveau avec l'accès aux entreprises et aux personnalités politiques du Royaume-Uni», dénonce le rapport de la Commission parlementaire du renseignement et de la sécurité.
Grâce à une réglementation très souple, un accès facilité aux paradis fiscaux et un vaste réseau de banquiers disposés à lui trouver des nouvelles opportunités, l'élite russe a établi ses quartiers dans la capitale britannique.
Le Parti conservateur gangrené
Les milliardaires contrôlent un nombre impressionnant d'actifs de toutes sortes, l'exemple le plus connu étant celui de Roman Abramovitch, qui a acquis le club de football de Chelsea en 2003 et qui est également propriétaire d'un luxueux manoir de quinze pièces dans les jardins du palais de Kensington, acheté pour 90 millions de livres sterling [près de 100 millions d'euros] en 2011.
Les riches hommes d'affaires russes sont aussi de généreux donateurs d'institutions culturelles, de galeries d'art, d'œuvres de charité ou de partis politiques.
Selon les calculs du journal The Guardian, quatorze membres du Parti conservateur auraient reçu plus de 3 millions de livres sterling de la part de Lubov Chernukhin, une financière liée au gouvernement Poutine, et d'Alexander Temerko, ancien ministre de la Défense russe. Tous deux sont devenus citoyens britanniques et peuvent donc faire des dons au parti qui a leur préférence.
Alexander Lebedev, propriétaire du journal Evening Standard, entretient de son côté des liens amicaux avec le Premier ministre Boris Johnson, qui a d'ailleurs été invité à son soixantième anniversaire en décembre 2019.
L'entreprise de communication New Century Media, fondée par un ancien membre d'un parti unioniste nord-irlandais, emploie quant à elle plusieurs serviteurs notoires du gouvernement russe, comme Sergei Nalobin, fils d'un agent de l'ex-KGB. Ces derniers sont ensuite introduits auprès de membres influents du Parti conservateur britannique afin de faire passer leur point de vue pro-Kremlin.
En 2018, un rapport du think tank Henry Jackson Society avait affirmé que la moitié des Russes vivant à Londres seraient des espion·nes agissant pour le compte des services russes. Le rapport mettait aussi en évidence le nombre croissant de fonctionnaires russes au Royaume-Uni depuis les huit dernières années, 200 travaillant pour environ 500 espion·nes.
«Les espions russes ne pas seulement engagés dans des assassinats [comme l'empoisonnement à Londres de l'ex-espion russe Sergueï Skripal], ils sont également occupés à déployer un ensemble de mesures actives visant à saper notre société», s'indignait Andrew Foxall, principal auteur du rapport.