Un camp de réfugiés à Faladie, au Mali. | Michele Cattani / AFP
Un camp de réfugiés à Faladie, au Mali. | Michele Cattani / AFP

Le marché «prometteur» des réfugiés climatiques

L'identité des millions de réfugiés est une question complexe, à laquelle s'attaquent ONG et géants de la tech.

Linda Kinstler, pour la MIT Technology Review, consacre un long article à la question du rôle de la technologie dans les phénomènes de migration. Ceux-ci ne sont pas nouveaux, mais le désastre climatique en cours et les crises politiques dont le monde n'arrive à s'extraire va cruellement accentuer les déplacements de populations touchées.

Une question primordiale se pose pour ces millions d'individus passant souvent d'un pays à l'autre, d'un camp à l'autre, de la juridiction d'une ONG à celle d'une autre ONG, d'un point de passage à un autre: celle de l'identité. Selon la Banque mondiale, près d'un milliard de personnes ne possèdent aucune forme de preuve d'identité, que celle-ci soit physique ou numérique.

Partout et nulle part

Les migrant·es, explique l'autrice de l'article, existent partout et nulle part à la fois. Tout contact avec une quelconque institution, ONG, gouvernement crée une trace numérique de leur passage (empreintes digitales, photos, accès aux bornes internet), mais ces personnes ne bénéficient néanmoins souvent pas d'un système sécurisé et pérenne pouvant prouver leur identité d'un point à l'autre. Les passeports ou cartes d'identité sont souvent perdues au gré des multiples déplacements, parfois détruites lorsque l'origine fait peser un risque.

Or, la Banque mondiale prévoit que plus de 153 millions d'individus seront, d'ici à 2015, des réfugiés climatiques. Leur offrir une identité, ainsi qu'à toutes les populations déplacées en général, est un impératif à de multiples niveaux: économie (pas d'accès aux banques sans identité), logistique, santé, questions civiques (ces personnes sont appelées à être citoyennes) ou sécuritaires notamment.

Comme le résume le Forum économique mondial, l'enjeu est d'échapper à «un avenir où presque tous les individus n'ont pas le droit au choix, à la confiance et à la justice». Les Nations unies, en 2015, ont inclu une «identité légale pour toutes et tous» aux objectifs de développement durable à atteindre d'ici 2030.

Privés, publics ou association des deux, de nombreux acteurs se sont lancés dans la course pour trouver le système le plus juste, efficace, sécurisé et durable pour offrir un moyen d'identification à tout individu en éprouvant le besoin. Microsoft, Apple, Accenture, Mastercard et Facebook sont mentionnées parmi les entreprises participant à des programmes de recherche sur la question –avec au bout, bien sûr, des marchés potentiellement massifs.

Est également citée dans l'article Palantir, notamment fondée par le sulfureux Peter Thiel, étroitement liée à la CIA et missionnée par le Programme alimentaire mondial pour plancher sur la question de la distribution des aides humanitaires.

L'alliance a fait grincer de nombreuses dents: Palantir s'est récemment retrouvée dans l'actualité lorsqu'il a été révélé que les services américains de l'immigration avaient utilisé ses technologies pour faire la chasse aux migrants et à leurs familles.

Plus de questions que de réponses

Le cas particulier de Palantir révèle que derrière cette noble mission se cachent de multiples questions, pièges et problèmes à esquiver. Linda Kinstler prend l'exemple de la blockchain, qui semble a priori être une solution technique solide pour contenir et protéger les identités des individus.

The Rohingya Project a par exemple distribué des cartes d'identité numériques aux réfugié·es ayant fui la Birmanie pour leur permettre un accès facilité aux aides médicales, légales et financières.

Mais confier des données aussi sensibles à une technologie naissante, n'est-ce justement pas, à rebours de louables intentions des initiateurs du projet, faire peser un risque supplémentaire aux personnes ainsi fichées?

Ces problématiques sont générales: qui gérera ces outils en gestation? Seront-ils centralisés? Est-il raisonnable d'en confier les clés à des acteurs privés? Dans un monde où les failles de sécurité sont découvertes jour après jour et où les hackers rôdent pour des données pouvant valoir de l'or, voire des morts quand une population est ciblée par une autre, qui s'assurera de l'imperméabilité de la sécurité de ces identités numériques?

«Les réfugié·es constituent une population où les risques comme les bénéfices des identités numériques sont amplifiés», déclare à la MIT Technology Review Manju George, responsable au Forum économique mondial du programmé lié à l'identité numérique. Dans un rapport consacré à l'Italie, une équipe menée par Mark Latonero a montré que ces initiatives portaient en elles le risque contre-productif d'ajouter de la bureaucratie à la bureaucratie.

«En Italie, ou dans tout pays avec une bureaucratie immensément complexe, les individus reposent sur des systèmes informels parallèles, est-il expliqué. Un citoyen italien peut trouver une solution à un problème administratif en faisant appel à un réseau d'amis, de connaissances, de personnes capables de résoudre la question. Les migrants sont exclus de ces réseaux de pouvoir et d'avantages, ils ne sont qu'une entrée dans une base de données.» La question semble donc loin d'être réglée –il faut pourtant qu'elle le soit, le plus urgemment possible.

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