Lorsque l'on imagine un nez –le professionnel, pas la partie du corps– travailler, c'est souvent devant des dizaines de flacons remplis de senteurs disposés sur son orgue à parfums, au sein des locaux d'une marque de luxe. Pourtant, certains passent leur journée dans une cave remplie de jambons pendus au plafond.
À Jabugo, un petit village d'Andalousie, au sud de l'Espagne, les chorizos et les jambons sont encore produits comme ils l'étaient en 1879, lors de la fondation de l'entreprise Cinco Jotas. Le Wall Street Journal raconte par exemple que la température de la cave où sont entreposés les jambons est contrôlée manuellement en ouvrant et fermant les fenêtres.
Mais le plus étonnant est certainement le contrôle qualité des jambons, assuré par des nez appelés caladores, qui les piquent à quatre endroits précis avec une épine en os de porc, avant de renifler cette dernière.
Odorat olympique
Ces renifleurs sont chargés de vérifier que le produit a un bouquet indiquant qu'il est à la hauteur des standards de qualité de l'entreprise. Cette capacité nécessite un odorat d'une finesse extraordinaire.
La sélection des nez s'effectue en demandant aux candidat·es de deviner à l'odeur quelle est la concentration d'ammoniac, de vin, de gin, de vinaigre et d'alcool à brûler dans de l'eau. La concentration peut varier de 5 à 0,8 millilitre par litre.
Les fêtes de fin d'année sont particulièrement chargées pour les caladores. En haute saison, tous les jours, chacun des six spécialistes recrutés pour l'occasion doit sentir pas moins de 800 jambons, piqués à quatre endroits donc, soit 3.200 reniflages quotidiens.
Les employés de Cinco Jotas sont terrifiés à l'idée de contracter le Covid-19, qui peut leur faire perdre leur odorat. Selon Manuel Vega Domínguez, le calador star de l'entreprise, le simple fait d'utiliser un nouveau shampoing peut déséquilibrer son précieux sens.