Fermez les yeux, laissez-vous aller, les publicitaires s'occupent du reste. | Ann Danilina via Unsplash
Fermez les yeux, laissez-vous aller, les publicitaires s'occupent du reste. | Ann Danilina via Unsplash

Les publicitaires cherchent-ils à hacker vos rêves?

Le sommeil, la dernière frontière du marketing.

Comme le rappelle Science Mag, l'être humain cherche depuis longtemps à prendre contrôle de ses rêves nocturnes, à leur donner un sens et leur offrir un objectif.

Parmi ces nombreux exemples de «rites d'incubation» (enkoimesis), la publication cite celui des Grecs, qui allaient dormir dans le temple d'Asclépios pour que le Dieu soigne leurs maux durant leur sommeil.

On peut également citer la «sieste cuiller», ou «sieste eurêka», pratiquée notamment par Salvador Dalí, qui expliquait pouvoir régler un problème ou décupler sa créativité en y songeant volontairement à l'orée de l'endormissement ou l'hypnopédie, soit la croyance qu'il est possible d'apprendre en dormant.

La science moderne s'intéresse donc de près à cet espace mental au potentiel si particulier, dont elle dessine désormais mieux les contours –et pour lesquels elle trouve déjà des applications commerciales grand public.

Électroencéphalogrammes, détection des phases de sommeil paradoxal ou sommeil REM (Rapid Eye Movement), mouvements ou ronflements permettent de savoir à quel moment une personne entre dans cet état de conscience malléable.

«Les individus sont particulièrement vulnérables à la suggestion lorsqu'ils sont endormis», explique Adam Horowitz Haar, qui étudie cette science du rêve au MIT. Il connaît son sujet: le jeune homme a il y a quelques mois présenté Dormio, un gant connecté présenté comme capable, grâce à diverses stimulations, de «hacker» et diriger les rêves des personnes qui le portent.

Rêve de publicitaire

Un instant dans la journée où les barrières semblent pouvoir être abaissées, et où la manipulation des esprits pourrait être particulièrement simple? De quoi vivement intéresser les publicitaires, bien évidemment.

Adam Horowitz Haar explique ainsi avoir été contacté, ces deux dernières années, par plusieurs firmes –dont Microsoft et deux compagnies aériennes– cherchant à louer ses services pour plancher sur le sujet de campagnes publicitaires «de rêves».

Ce n'est pas une première. Autre chercheuse en rêves, Deirdre Barrett de Harvard a collaboré avec Molson Coors Beverage Company sur une expérience de contrôle des songes. L'objectif était de faire pousser des bières de la marque, non comme par enchantement, mais par la force de la suggestion.

Les résultats réels de l'expérience sont contestables et ont été contestés, y compris par Barrett elle-même. Mais le fait même qu'elle ait eu lieu, financée par une grosse entreprise aux poches profondes, montre qu'il peut y avoir de quoi s'inquiéter si l'on souhaite conserver les songes en dehors du domaine de la manipulation mentale.

Des scientifiques de la science des rêves, dont Haar, ont publié un texte dans lequel ils et elles appellent à la plus grande vigilance. «L'incubation des rêves n'est pas qu'un gimmick de science-fiction, mais une pente glissante avec de vraies conséquences, écrivent-ils. Nos rêves ne peuvent devenir un autre terrain de jeu pour les publicitaires.»

«Nous voyons se former les vagues qui formeront un tsunami, explique Antonio Zadra de l'Université de Montréal, mais la plupart des gens dorment sur la plage sans avoir conscience de ce qui se passe.» Robert Stickgold, qui a dirigé une étude centrée sur le jeu Tetris, est plus explicite encore, reprend Science Mag: «Ils en veulent à vos rêves, et les gens ne savent même pas qu'ils peuvent le faire.»

D'autres scientifiques sont beaucoup plus dubitatifs sur l'intérêt et l'impact de telles «campagnes publicitaires de rêve», pointant qu'elles seraient complexes et coûteuses à mettre en place et, surtout, sans doute très inefficaces.

Peut-être un brin alarmistes ou dans leur rôle de lanceur d'alerte, selon les opinions, les auteurs de la lettre n'en démordent pourtant pas. Ils prennent pour exemple la présence d'Alexa, de Google Assistant et de ses camarades assistants connectés dans les foyers de dizaines de millions de personnes dans le monde.

Ils imaginent un avenir dans lequel les petites enceintes (et micros), dotées de la capacité de sonder nos états de conscience à l'image du nouveau Nest Hub de Google, en profiteraient pour glisser quelques messages suggestifs pour diverses marques intrusives. Les grandes marques et firmes du monde 2.0 nous ayant habitués à ce genre de manœuvre, serait-ce si étonnant?

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