Dans Snakes in Suits: When Psychopaths Go to Work («Serpents en costumes: Quand les psychopathes vont au travail»), un best-seller publié en 2006, le psychologue Paul Babiak disait qu'en entreprise, le manque d'empathie est en général considéré comme une qualité. L'absence de scrupule encourage selon lui la réussite professionelle, donc l'enrichissement personnel.
Seulement, selon des études antérieures et comme l'explique Wired dans un article intitulé «Pourquoi les riches sont-ils si méchants?», c'est aussi le fait d'être riche qui, de lui-même, pousse à être moins empathique. En 2015, une étude menée par Stéphane Côté, chercheur à l'Université de Toronto, affirmait que plus les inégalités se creusent, moins les personnes à hauts revenus sont généreuses.
Cela dit, l'étude en question précise que ses observations n'essentialisent pas les riches. Les personnes à hauts revenus ne sont pas moins généreuses par nature: dans un environnement géographique où les inégalités sont basses ou perçues comme basses, elles le sont autant et parfois plus que les pauvres.
Greed is good
Ces variations géographiques suggèrent donc que le manque d'empathie est construit, afin de s'adapter à son environnement. Les psychologues auteurs de l'étude émettent l'hypothèse que cette fermeture à l'autre est en réalité un moyen de rationaliser son statut privilégié, dans un système où les ressources sont réparties inégalement.
Les plus riches estiment mériter leurs richesses, et donc un statut plus élevé que les populations plus pauvres. De plus, ils peuvent constater de première main les conditions de vie des classes sociales moins élevées, ce qui les pousserait à craindre d'autant plus la perte de leur statut et de leurs ressources, et à agir en conséquence.
Les auteurs estiment aussi que cette situation pourrait avoir un lien avec le fait que «les pays sujets à de fortes inégalités, comme les États-Unis, soutiennent fortement le concept de méritocratie», que la réussite personnelle est non seulement méritée mais bénéfique au reste de la société.
Ce système de défense psychologique n'est pas forcément un processus conscient de la part des personnes qui le développent, mais issu d'un mécanisme subconscient.
En 2010, le psychologue Michael W. Kraus ainsi que Stéphane Côté ont en effet observé que sur 200 étudiant·es testé·es, celles et ceux provenant d'une classe sociale élevée avaient plus de mal à juger les émotions sur le visage.