Boris Johnson a une solution à tout –mais ces solutions sont parfois idiotes. L'un des plus grands casse-tête du Brexit, et pour lequel le Premier ministre britannique militait avec ferveur, est la situation compliquée de l'Irlande du Nord.
Le Royaume-Uni ayant quitté le marché unique européen, et afin d'éviter l'érection d'une frontière physique au milieu de l'Irlande, il existe désormais une frontière de fait entre l'Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni, ce qui révolte le camp unioniste.
En 2019, Boris Johnson se demandait donc comment renforcer les liens entre les différentes parties du Royaume. Pour cela, il a soutenu l'idée de créer un «lien fixe» entre l'Irlande du Nord et le reste de l'union, qui se matérialiserait par la construction d'un tunnel ou d'un pont d'une trentaine de kilomètres entre l'Écosse et l'Irlande du Nord.
Malgré les critiques formulées par de nombreux ingénieurs à l'époque, les équipes du Premier ministre assuraient que ce projet estimé entre 15 et 20 milliards de livres sterlings (17,7 à 23,6 milliards d'euros) était tout à fait sérieux.
«Il veut maintenir l'union et persuader le reste du monde que nous sommes toujours des acteurs majeurs, que nous pouvons construire de grandes choses», justifiait alors Guto Harri, un proche conseiller de Johnson.
Un pont trop loin
Le rapport de faisabilité technique demandé par Johnson vient de tomber, et il noie totalement le projet. Selon Peter Hendy, le directeur de Network Rail, l'entreprise gestionnaire du rail britannique, un tel projet coûterait jusqu'à 335 milliards de livres sterling pour un pont et 209 milliards pour un tunnel (396 et 247 milliards d'euros respectivement); le rapport précise que cette estimation est «optimiste».
En outre, Hendy affirme que «la planification, le design, le processus légal et parlementaire et la construction prendraient près de trente ans avant que la traversée ne soit opérationnelle». Tout cela fait que d'après le rapport «il n'est pas possible que les bénéfices l'emportent sur les coûts aux fonds publics».
L'un des obstacles majeurs à ce chantier titanesque est sa localisation. L'endroit où la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord se rapprochent le plus est la fosse de Beaufort. Or, le point le plus profond de cette fosse se trouve à 300 mètres sous l'eau. Par comparaison, le Pas-de-Calais, où se trouve le tunnel sous la Manche, est d'une profondeur maximum de 75 mètres.
Cerise sur le gâteau, la fosse est remplie de millions de tonnes de munitions jetées là par l'armée anglaise. Pas le lieu idéal pour creuser un tunnel ou bâtir un pont. Par conséquent, le rapport recommande au gouvernement «que les travaux à propos d'un lien fixe ne devrait pas se poursuivre au-delà de cette étude de faisabilité».