Notre squelette est en constante évolution, et il se modifie bien plus vite qu'on ne le croit: relativement malléables, les os sont prêts à dévier du design original contenu dans l'ADN pour coller aux habitudes de vie du corps qu'ils soutiennent.
Le 13 juin, la BBC a consacré un article à l'ostéobiographie, soit l'étude des squelettes pour tenter de deviner le mode de vie d'un individu. Elle pose une question intrigante: si les os changent au cours d'une vie, nos corps se sont-ils déjà adaptés aux nouveaux usages technologiques? Eh bien oui.
Dites bonjour à l'os du texto
Vous connaissez le topo: nous passons de plus en plus de temps à regarder un écran, qu'il s'agisse d'un smartphone, d'une tablette ou d'un ordinateur, et nous le faisons avec la caboche penchée à des angles dangereusement aigus.
Or, explique l'article, une tête pèse en moyenne 4,5 kilos, l'équivalent d'une grosse pastèque. Ces positions contre nature génèrent de nouveaux traumatismes, comme celui de la cervicalgie du texto (text neck, en anglais).
Pour y répondre, notre corps adapte sa structure osseuse: aujourd'hui, de plus en plus de gens possèdent une protubérance occipitale externe, une sorte de relief dans le bas du crâne, juste au-dessus de la nuque. On peut la sentir du bout des doigts –allez-y, essayez– et elle est visible à l'œil nu sur un crâne rasé.
Au début du XXe siècle, cette protubérance était excessivement rare. Désormais, elle est non seulement prévalente chez les jeunes, mais également bien plus épaisse que celles des générations précédentes –de 8 millimètres à 30 millimètres pour les plus grosses observées, relate la BBC.
Pourquoi? Parce que notre corps, pour protéger les muscles de l'inflammation, agrandit la surface osseuse à laquelle ils sont attachés, ce qui répartit mieux la tension. La mutation aurait eu lieu en deux décennies à peine.
Coudes étroits et mâchoire molle
Pas de quoi s'inquiéter pour autant: nos os ont toujours fait ce qu'ils voulaient. L'enfant des années 2000 a par exemple les coudes moins larges que celui des années 1980, selon les découvertes d'une équipe de l'université de Potsdam, menée par la chercheuse Christiane Scheffler.
Il se trouve que l'on marche beaucoup moins de nos jours, et que le corps ne crée pas de masse osseuse là où il n'y en a pas besoin.
Dernier exemple en date: la mâchoire, devenue particulièrement souple. Du Paléolithique à la société industrielle, la mastication s'est considérablement réduite, au point d'affaiblir la structure de notre bouche. D'où une recrudescence des problèmes dentaires et l'apparition de nouveaux sons, comme «f» et «v». À ce rythme, nos descendant·es seront d'authentiques mutant·es à nos yeux.