La publication n'est encore qu'à l'état de pré-print, et doit donc encore passer la délicate phase de la scrutation entre pairs, mais elle agite la communauté scientifique. En partenariat avec Google Quantum AI, plus d'une centaine de chercheurs et chercheuses du monde entier ont annoncé avoir réussi, pour la première fois selon Quanta, à fabriquer un cristal temporel au sein d'un ordinateur quantique.
Un quoi? Un cristal temporel? Constituant une phase inédite de la matière, initialement conceptualisés par le prix Nobel de physique Frank Wilczek en 2012, les cristaux temporels sont des «structures périodiques dans le temps et dans l'espace» qui se transforment en permanence sans perdre d'énergie.
Ils reposent donc sur des propriétés longtemps pensées interdites (c'est l'impossibilité théorique du mouvement perpétuel) et sont, pour les lois habituelles de la physique, une apparente aberration.
Imaginez les motifs atomiques d'un cristal –ou d'un flocon de neige, si vous avez l'âme en décembre– qui ne se reproduiraient pas seulement avec régularité dans l'espace, mais aussi dans le temps.
Un état changeant à l'infini et sans user d'énergie: révolutionnaires en diable, ces petites choses malmènent donc à la fois la première loi du mouvement de Newton et le second principe de la thermodynamique. Cette annonce de leur création pourrait constituer, selon The Next Web, la découverte la plus importante de l'ère moderne.
Vers l'infini et au-delà
Certes, ces cristaux temporels que disent avoir créés ces scientifiques ne passeront pas l'aspirateur dans votre salon, ne rempliront pas votre déclaration de revenus pour vous, ou ne vous permettront pas de revenir dans le passé vers des temps plus heureux. Du moins, pas tout de suite.
Ils ont d'autres mérites, moins pratiques dans l'immédiat mais qui, sur le moyen et le long terme, peuvent bouleverser bien des choses. Le premier est de rendre possible, si tout ceci se confirme, ce qu'une autre partie du monde scientifique pensait encore impossible: réaliser l'irréalisable a toujours quelque chose de jouissif, et c'est ainsi que l'on s'invente un futur.
Plus importante, la seconde est de valider –et peut-être de grandement accélérer– les recherches de Google et des équipes liées dans le domaine de l'informatique quantique. Unités de base de cette dernière, les qubits et la multiplicité de leurs états ont une fâcheuse attirance pour la «décohérence», phénomène cousin de la bordélique entropie et qui rend leur manipulation et la lecture de leur état complexes.
Agissant comme les supraconducteurs d'un nouvel âge, les cristaux temporels sont à l'inverse des parangons de stabilité: ils cherchent la cohérence et ne la quittent jamais. Trouver un usage à ces propriétés uniques pourrait ainsi, dans un avenir plus si lointain, permettre à l'informatique quantique de réaliser un colossal bond en avant.
Or, c'est sur la puissance de cette dernière que l'humanité peut fonder une partie de ses grands espoirs pour résoudre ses problèmes les plus complexes. Et de problèmes complexes, elle n'en manque certainement pas.